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rapide essor, et vont se reposer ensemble sur l’arbre désiré, d’où l’éclat de l’or étincelle à travers les sombres rameaux. Comme on voit dans les forêts, durant la saison des frimas, le gui naissant orner d’une verdure étrangère le tronc qui l’adopta, et jaillir en fleurs jaunissantes autour de sa tige empruntée ; tel rayonnait l’or végétal sur un chêne touffu ; telles murmuraient ses lames frémissantes, agitées par les zéphyrs. Énée le saisit aussitôt, l’arrache avec transport, et court le porter à l’antre de la Sibylle.

Cependant sur le rivage, les Troyens en deuil continuaient de pleurer Misène, et rendaient les derniers honneurs à sa dépouille insensible. Déjà, grossie d’ais résineux et d’arides branchages, l’immense pyramide a monté jusqu’aux cieux. L’if au noir feuillage en borde les côtés ; au devant s’inclinent de lugubres cyprès, et le faîte resplendit d’un brillant trophée d’armes. Non loin, dans les vases brûlans dont l’airain la captive, l’eau bouillonne sur la flamme, tandis que des mains pieuses y baignent le corps glacé qu’elles arrosent de parfums. Bientôt les cris redoublent, le signal est donné. Les uns déposent sur le lit funèbre les froides reliques trempées de larmes ; ils y placent les vêtemens de pourpre, parure, hélas ! trop connue, du malheureux Misène. D’autres s’avancent, douloureux ministère ! au pied du fatal monument, et, la torche penchée suivant l’usage antique, ils allument le bûcher, en détournant les yeux. Le feu dévore à la fois et l’encens et les entrailles des victimes, et l’huile onctueuse et les coupes qui la versèrent. Quand la cendre s’est affaissée,