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du jour, l’aviron merveilleux dont il fendit les nues, et t’érigea, sur ces pics mêmes, un temple magnifique. Sur les portes est gravée la mort d’Androgée. On voit la ville de Cécrops payant cher un jour de vertige, et pleurant, hélas ! chaque année, ses enfans qu’elle livre au trépas. Près d’eux est l’urne où le sort marqua ses victimes. Vis-à-vis, dominant les mers, s’élèvent les remparts de la Crète. Là revit Pasiphaé, amante insensée d’un taureau, infâme épouse d’un époux mugissant ; là respire ce fruit monstrueux d’un horrible hymen, le Minotaure, monument d’une exécrable ardeur. Non loin se croisent et s’enlacent les routes trompeuses du labyrinthe et ses détours inextricables. Mais touché des tourmens d’Ariane, Dédale en débrouilla lui-même l’insidieux chaos et la confuse erreur, en guidant par un fil les pas incertains de Thésée. Toi aussi, malheureux Icare, quelle place ne tiendrais-tu pas dans ces doctes peintures, si la douleur l’avait permis ! Deux fois la main d’un père essaya de tracer sur l’or ta déplorable chute : deux fois le burin tremblant échappa des mains paternelles.

Ils ne cessaient de contempler ces prodiges de l’art, quand le fidèle Achate, qui devançait Énée, revient à l’instant sur ses pas. Avec lui paraît la fille de Glaucus, l’austère Déiphobé, chaste prêtresse de Phébus et d’Hécate. Elle s’adresse au héros : « Ce ne sont pas de vains spectacles qu’un tel moment demande. Qu'on immole d’abord sept taureaux indomptés ; qu’on immole sept brebis intactes : ce choix est agréable aux dieux. » Elle parle ; les victimes tombent à l’heure même, et le peuple suit la prêtresse aux lieux révérés qu’elle habite.