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cirque étonné frémit d’un long murmure. Seul autrefois Darès pouvait lutter contre Pâris. C’est Darès qu’on vit, près de la tombe où gît le grand Hector, défier le victorieux Butès, effrayant colosse, qui se vantait d’être issu d’Amycus, ce roi féroce des Bébryces : Darès le terrassa, et l’étendit mourant sur l’arène. Tel Darès, le premier, offre au combat sa tête altière ; tel il étale aux yeux ses larges épaules ; tel il déploie tour à tour ses bras immenses, et bat l’air de ses coups. On lui cherche un rival ; mais dans cette foule innombrable, tout pâlit, à l’aspect d’un si formidable adversaire ; et l’essai périlleux du ceste fait trembler le plus intrépide. Alors triomphant, et fier d’une palme qu’il ne croit pas disputée, Darès s’avance aux pieds du prince ; et las d’un retard qui l’offense, il saisit de la main gauche la corne du taureau ; puis d’une voix arrogante : « Fils de Vénus, dit-il, si personne n’ose tenter la lutte, pourquoi ces délais ? Jusqu’à quand dois-je attendre ? Parlez, et que j’emmène ma conquête. » Un long murmure d’approbation éclate parmi les Troyens : tous réclament pour Darès le don promis au vainqueur.

Mais Aceste indigné gourmande le généreux Entelle, qui se trouvait assis à ses côtés sur un banc de verdure : « Entelle, autrefois l’honneur de la lice, qu’est devenue ta gloire ? Souffriras-tu patiemment qu’on enlève un prix si flatteur, sans qu’il soit disputé ? Où donc est maintenant ce dieu qui fut ton maître, cet Éryx fameux, que nous aimions à voir revivre en toi ? Est-ce en vain que ta renommée remplit la Sicile entière ? et que fais-tu de ces dépouilles