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qui regarde la rive écumante. Souvent les vagues amoncelées, dont il gémit battu, le cachent tout entier, lorsque les vents orageux soufflent autour de lui les tempêtes : tranquille dans le calme, il domine de son front paisible les ondes aplanies ; et les oiseaux des mers aiment à se reposer sur sa cime, aux doux rayons du soleil. Là, dressé par le fils d’Anchise, un chêne orné de son feuillage servira de but aux rameurs : verdoyante limite, d’où les nefs reviendront au port, et qu’elles doivent effleurer de leurs longs circuits. Déjà le sort a marqué les places. Debout sur leur poupe altière, les chefs resplendissent au loin, radieux d’or et de pourpre. Autour d’eux, on voit leurs jeunes compagnons ceints de rameaux de peuplier, et leurs épaules découvertes ruissellent d’une huile onctueuse. Rangés le long des bancs, les bras tendus sur l’aviron, l’oreille et l’œil attentifs, ils invoquent le signal. Leur cœur palpite ; ils respirent à peine : tant la peur les agite ! tant l’honneur les enflamme ! Mais tout à coup la bruyante trompette s’est fait entendre dans les airs : tous, à l’instant, s’élancent du rivage : les cris des matelots ont percé la nue : l’onde soulevée blanchit sous l’effort de mille bras : de larges sillons déchirent les eaux profondes ; et la plaine liquide, ébranlée jusqu’en ses abîmes, s’entr’ouvre toute entière sous le tranchant des rames, sous les proues aux triples éperons. Avec moins de vitesse les chars, aux combats du cirque, se précipitent dans l’arène, et, fuyant la barrière, semblent dévorer l’espace : avec moins d’ardeur leurs guides haletans secouent les