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aux charmes du sommeil. Tout à coup l’image du dieu qu’il avait vu naguère se montre en songe à ses yeux, et semble l’avertir encore des volontés du ciel : tout annonce Mercure, c’est sa voix céleste, c’est l’éclat de son teint, c’est l’or de ses blonds cheveux, c’est sa jeunesse et sa grâce. « Fils de Vénus, dit-il, le moment presse, et tu dors ! tu dors, et tu ne vois pas, insensé ! quels prochains dangers t’environnent ! tu n’entends pas souffler les zéphyrs favorables ! Une reine ulcérée couve en son cœur de noirs artifices et d’horribles vengeances : la rage et la mort dans l’âme, elle flotte égarée entre mille projets sinistres ; et tu ne fuis pas à l’heure même, quand tu peux fuir encore sur les ailes des vents ? Tremble ! je vois déjà les mers bouillonner sous les rames ; je vois luire de toutes parts les torches incendiaires, et les flammes dévorantes ondoyer le long du rivage : c’en est fait, si demain l’aurore te trouve arrêté dans ces lieux. Pars, vole, plus de retard : Éole est moins mobile, moins changeant qu’une femme. » Il dit, et se replonge dans l’épaisseur des ombres.

À cette subite apparition, Énée, saisi d’un saint effroi, s’arrache brusquement au sommeil ; et fatiguant les airs de ses cris redoublés : « Debout, guerriers, plus de repos ! Rameurs, prenez vos rangs ! Déployons les voiles, hâtons-nous ! Un dieu, descendu de la voûte éthérée, vient m’exciter encore à précipiter notre fuite, à rompre les nœuds de nos câbles. Nous te suivons, dieu puissant ! qui que tu sois, nous obéissons avec joie à tes ordres sacrés. Veille, oh ! veille sur les Troyens, divinité propice ! seconde notre course,