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nourrit dans son cœur : elle affiche le titre d’épouse, et voile du nom d’hymen les faiblesses de l’amour.

Aussitôt la Renommée parcourt les vastes contrées de la Libye ; la Renommée, de tous les fléaux le plus prompt ; infatigable messagère, qui s’accroît dans son vol et grandit en courant. D’abord faible et craintive, bientôt colosse touchant aux cieux, elle foule du pied la terre, et cache sa tête dans les nues. Indignée des fureurs des dieux, la mère des géans, dit-on, l’enfanta dans sa colère : c’est la dernière sœur de Céus et d’Encelade. À des pieds agiles, elle joint des ailes plus rapides que les vents. Monstre horrible, énorme, autant de plumes couvrent son corps, autant elle cache, ô prodige ! et d’yeux toujours ouverts, et de bouches toujours bruyantes, et d’oreilles toujours attentives. La nuit, elle plane d’un pôle à l’autre, semant de sourds et vains murmures dans le silence des ténèbres, sans que jamais ses paupières s’abandonnent au doux sommeil. Le jour, sentinelle assidue, elle veille assise ou sur le faîte des palais ou sur le sommet des tours ; et de là sa voix répand la terreur au sein des villes populeuses, sa voix trompette indifférente des vertus et de l’infamie, des vérités et du mensonge. Ainsi donc l’indiscrète courrière se plaisait alors à remplir les cités de mille rumeurs confuses, et divulguait au hasard les vains rapports et les récits fidèles. « Un prince venu des rives du Scamandre a touché les bords Africains : l’aimable reine de Carthage daigne s’unir au fils d’Anchise : heureux dans les bras l’un de l’autre, ils consument en plaisirs les longues heures de l’hiver ; et négligeant