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sur les rives de l’Afrique les grands destins de l’Italie. Vénus a senti le piége. « Quel insensé, dit-elle, rejetterait de pareilles offres, et voudrait lutter contre vous ? Pour peu que la fortune se plie à vos projets, Vénus y souscrit la première. Mais le sort m’inquiète : Jupiter permettra-t-il qu’une même cité rassemble les enfans de Tyr et les débris de Troie ? Approuvera-t-il, dans sa sagesse, et ce mélange des deux nations et cette alliance qui vous sourit ? Vous êtes son épouse : c’est à vous, c’est à vos caresses à sonder le cœur d’un époux. Faites un pas, et je vous suis. » — « Ce soin est mon affaire, répliqua la reine des dieux. Quant au succès, il est facile ; voici mon secret, écoutez.

Demain, le fils d’Anchise et l’infortunée Didon doivent ensemble porter la guerre aux hôtes des forêts, sitôt que le dieu du jour aura franchi les portes de l’orient, et doré les campagnes de ses premiers rayons. Là, tandis que les chasseurs poursuivront leur proie fugitive, et ceindront les bois de leurs vastes filets ; à ma voix, de noirs torrens de pluie, mêlés de grêle et d’éclairs fondront tout à coup des nues ; et les champs ébranlés retentiront au loin des éclats du tonnerre. Tout fuit, tout se disperse, et la nuit étend sur la terre ses voiles ténébreux. Une grotte commune sert de refuge aux deux amans : Junon sera présente ; et si je puis compter sur votre aveu, je les unirai l’un à l’autre par un lien indissoluble : d’amans, ils deviendront époux : l’Hymen recevra leurs sermens. » Loin de s’armer d’un vain refus,