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la guerre que respire leur bouillante ardeur. Mais ces fiers quadrupèdes, ils apprennent eux-mêmes à courber leur front sous le joug, et se soumettent au frein qui les dompte : la guerre peut enfanter la paix. » Il dit ; nos prières montent vers la déesse aux armes retentissantes, qui la première nous reçut triomphans. Prosternés aux pieds des autels, nous couvrons nos têtes d’un voile religieux ; et, fidèles aux ordres sacrés d’Hélénus, nous rendons en pompe à Junon, protectrice d’Argos, les honneurs qui lui sont dus.

Ces pieux devoirs accomplis, le signal est donné : l’antenne aux longs bras présente ses larges voiles aux haleines des vents ; et quittant ces plages envahies par la Grèce, nous cherchons des bords moins suspects. Bientôt nous avons franchi le golfe de Tarente, illustré, dit-on, par les exploits d’Hercule. Vis-à-vis paraissent le temple de Junon Lacinienne, et les tours de Caulon, et les écueils de Scylacée. Plus loin, derrière les eaux qui baignent la Sicile, on aperçoit les cimes de l’Etna. Déjà nous entendons l’horrible mugissement des mers, le bruit des rochers battus par les ondes en courroux, et le fracas redoublé dont retentissent au loin les rivages : les vagues bondissent, et la vase bouillonnante se mêle aux flots amers. Anchise se lève, il s’écrie : « Les voilà, ces gouffres de Charybde ! les voilà, ces bancs redoutables, ces affreux repaires de Scylla, que nous prédisait Hélénus ! Fuyons, amis, fuyons ! Rameurs, courbez-vous sur vos rames ! » À ce cri, tout s’empresse : Palinure le premier tourne vers la gauche