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et les appela Chaonie, en mémoire de Chaon. Ces forts, bâtis sur ces collines, c'est la nouvelle Pergame élevée par ses mains… Mais vous, quels vents, quels destins, vous ont amené sur ces bords ? Vous ignoriez notre histoire ; un dieu, sans doute vous a conduit vers nous. Et l’aimable Ascagne ? le ciel vous l’a-t-il conservé ? jouit-il encore de la lumière ? Hélas ! quand il reçut le jour, déjà Troie… Dans un âge si tendre, apprend-il à pleurer sa mère ? Commence-t-il à se former aux antiques vertus, à l’école des héros ? Sent-il déjà qu’il est le fils d’Énée et le neveu d’Hector ? »

Ainsi parlait Andromaque, les yeux baignés de larmes ; ainsi s’exhalaient en vain ses longs gémissemens ; lorsque, sorti des remparts, le noble enfant de Priam vient au-devant de nous, entouré d’un brillant cortège. Il reconnaît le sang troyen, nous accueille avec joie, et nous guide vers son palais : des pleurs d’attendrissement se mêlent à nos doux entretiens. J’admire, en avançant, l’humble Troie de ces rives, et le modeste simulacre de l’altière Pergame, et le faible ruisseau, enorgueilli du nom de Xanthe ; j’embrasse, en entrant, l’image de la porte Scée. Mes compagnons partagent avec moi les caresses d’un peuple ami. Le monarque les reçoit sous de vastes portiques. Admis à ses tables royales, ils fêtent Bacchus au milieu des festins : pour eux l’or brille, chargé de mets délicieux ; et les larges patères leur versent un vin pétillant.

Deux jours s’étaient écoulés : les vents appellent nos vaisseaux, et l’Auster enfle nos voiles d’un souffle