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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Toute ma vie est à vous/ Madame, fit-il d’une voix fervente qui tremblait un peu, en échange de ce précieux porte-bonheur qui jamais ne me quittera. Toute ma vie !…

Rougissante comme une couventine, Christine le releva, balbutiant quelques mots que personne ne comprit, puis elle pâlit soudain, s’appuya sur la table et passant la main sur son front :

— C’est ce vin, murmura-t-elle, je n’y suis pas habituée. Excusez-moi…

Et comme tous gardaient les yeux fixés sur elle :

— Il fait étouffant ici, fit-elle. Le grand air me remettra. N’est-ce pas bientôt l’heure du feu d’artifice ? Donnez-moi votre bras, Comte, pour me conduire jusqu’à la terrasse ;

Et comme Ebba se levait pour l’accompagner :

— Non, reste, chérie. Je n’ai pas besoin de toi.

— N’avez-vous pas remarqué, dit tout bas la jeune fille à Jacob de la Gardie, c’est vers Magnus que Christine a lancé la fève.

— Je crois que tous nous l’avons remarqué. Que diriez-vous, ma beauté, si vous deveniez la belle-sœur de la reine, votre maîtresse ?



Enveloppée dans une longue cape d’hermine, Christine demeurait immobile sur la terrasse, les yeux levés vers le ciel. La lune en son plein, dont l’éclat luttait avec la blonde lumière de l’aurore boréale, jetait sur l’immensité du lac glacé des reflets et des chatoiements d’une inexprimable diversité.

À quelques centaines de mètres, sur un îlot, s’élevait ce qu’on appelle en Suède un hogar, tumulus de forme cylindrique, pareil à ceux que l’on rencontre un peu partout en Europe, et qui recouvrait la sépulture d’un ancien chef Scandinave. On l’avait ceint comme d’un diadème, d’une triple rangée de torches de résine. Et, à travers la fumée et la rougeur fuligineuse, se dressait, au centre de la plateforme, une gigantesque silhouette blanche.

C’était, une statue de neige que les paysans avaient sculptée et dressée dans la journée et qui représentait une femme, vêtue comme