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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Je crois bien ! Il triomphera de ses adversaires par l’ennui. Moi, je ne puis l’entendre sans bâiller ! On prétend qu’il veut gagner mon cœur et ma main. Du moins, ce sont les ennemis du Chancelier qui l’affirment. Pour ma part, je n’en crois rien. Car Oxenstiern m’a donné cent preuves de son désintéressement. Mais son fils, mordieu ! ne me divertit pas plus que lui-même !

— Ce n’est pourtant pas faute d’essayer…

S’apercevant qu’il était question de lui, le jeune Erick agita la main d’un geste gauche, fit une pirouette dont il faillit choir et s’approcha par longues glissades.

— Regarde : avec son long nez, ses petits yeux ronds et noirs, ses longues jambes maigres, n’est-ce pas plutôt un héron qu’un pingouin ?

Les deux jeunes filles riaient aux éclats lorsque Erick, s’arrêtant à trois pas de la reine, s’inclina profondément :

— J’ai cru que Votre Majesté désirait me parler, fit-il avec componction.

— Nullement, Erick, nullement ! Nous admirions simplement vos savantes évolutions. Vous mettez à cette étude le sérieux qui distingue toutes vos actions.

— Je remercie Votre Majesté de sa bienveillance…

— Je vous ai déjà dit, Erick, et je vous le répète qu’il n’y a point ici de Majesté, mais seulement Christine. Ne me connaissez-vous pas depuis l’âge de cinq ans ? Et ne sommes-nous pas ici en vacances, corbleu ?

Erick s’inclina de nouveau jusqu’à terre :

— Jamais je n’oserais, Madame ! balbutia-t-il. Mon respect, mon profond respect…

— Je n’ai cure de votre respect, Monsieur ! N’oubliez pas que j’ai vingt ans ! Le respect, que je sache, n’est point un présent qui plaise beaucoup aux dames. Mais avez-vous jamais attaqué la vertu d’une belle ? Je ne vous vois guère en faune aux sabots dansants, à la lèvre goulue. Erick Oxenstiern en Dieu Pan ! Allons ! Suivez-nous vers les saules…

Avec un long éclat de rire, Christine saisit le dossier du traîneau qui de nouveau s’envola sur la glace tandis que, long et triste, le