Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
73
LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

— Je n’en ai jamais regardé aucune ! Mais en t’apercevant, je reçus le coup de foudre de l’amitié. L’amitié ? Un peu plus, qui sait ? Entre les études, la chasse, l’escrime, le souci du royaume et les Conseils, j’en étais peu à peu venue à me considérer comme un garçon. Tout ce qu’il y avait de viril en moi s’émut quand tu survins… Tu étais si blanche, si rose, si mince et si fine, d’un charme irréel d’ange ou de fée ! Et si pure de toute coquetterie, de toute rouerie féminine !

— Je tremblais devant vous de tendresse et de respect mêlés, Madame !

— Quel délice de voir à ma moindre parole tes joues s’empourprer depuis la racine argentée de tes cheveux jusqu’à la naissance de tes petits seins… Comme je me semblais brusque et brutale auprès de ta délicatesse !

— Et moi, je me trouvais si peu de chose devant votre fière beauté, ce qu’il y avait en vous de noble et majestueux, et toute cette science dont le monde retentissait !

— Ton long cou si mince, ta tête d’enfant et ce regard clair qui se donnait, à la fois confiant et si timide !

— Un jour d’été que nous étions étendues sur la mousse, je suivais entre mes cils mi-clos la fuite d’un nuage. Vous vous penchiez vers moi. Vos lèvres allaient effleurer ma joue quand je fis un mouvement et c’est ma bouche qui reçut le baiser. Un baiser parfumé par les framboises que vous veniez de cueillir et dont je n’ai pu oublier la saveur…

— Bah ! les baisers de Jacob ont dû bien vite en effacer le souvenir ! fit Christine en souriant.

— …Je me dressai, rougissante, interdite. J’entends encore mon : « Oh ! Madame ! » effaré.

— Et moi, je riais de ton trouble comme un page effronté… Pourtant nous n’étions que deux innocentes, toi, naïve comme un nouveau-né, moi très savante par mes lectures mais non moins inexperte, malgré mes airs fanfarons.

— Ce qui n’empêcha point les gens de la Cour de jaser sur notre tendresse… Je l’ai su plus tard par mon mari…