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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

de voir que Votre Royale Majesté ait pu à son âge acquérir une semblable base de connaissances et, fût-ce possible, nous ne le devrions pas de crainte de nous attirer le reproche de vouloir la flatter. »

Les braves pères nourriciers étaient contents et fiers.

— Mais ce n’est pas pour faire plaisir à ces barbons que je travaille ! s’écriait Christine. C’est parce que cela m’amuse de savoir et de comprendre !

Elle mettait d’ailleurs une non moins vive ardeur aux exercices corporels : non seulement l’équitation, mais l’escrime, le maniement et la science des armes de guerre, la chasse à courre, la chasse au faucon et même la chasse à l’ours, sport d’élection des hommes de Suède. Elle savait dompter un cheval, croiser le fer avec les jeunes chevaliers de son âge, forcer un renard, dresser les oiseaux de proie les plus rétifs. Elle brûlait de chasser l’ours.

— Cette chasse-là, c’est ce qu’il y a de plus beau en Suède ! s’écriait-elle avec enthousiasme.

Quand on voulut lui enseigner la danse :

— Si vous voulez ! acquiesça-t-elle avec un soupir. Mais à la manière des hommes, alors ! Vous ne me voyez pas empêtrant mes révérences dans mes longs cotillons et m’étalant, les quatre fers en l’air ?

Car, avec l’âge, elle ne devenait pas plus coquette. Elle se battait avec ses dames d’atour pour conserver ses jupes courtes, leur préférait les hauts de chausses, portait des souliers d’homme de forme basse, avec des boucles de métal, et refusait obstinément de se laisser friser.

Quand il le fallait pour les cérémonies de cour, elle acceptait qu’on posât une perruque annelée et calamistrée sur ses cheveux droits et souples.

— Que c’est gênant ! soupirait-elle parfois en faisant chavirer l’édifice.

Et les chambrières de lever au ciel des yeux offusqués :

— Que ferez-vous, Madame, quand viendra le temps de choisir un époux ?

— Laissez-moi en repos, je n’ai pas quinze ans et le choix d’un époux ne me soucie nullement !