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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

dois qui vous sont de loyaux et fidèles sujets ? Je vous vois ce matin tout animée et d’un désordre d’esprit qui s’exprime jusque dans votre ajustement.

Regardant le corsage de Christine, accroché de travers, il souriait. Mais le visage de l’enfant fut envahi d’une soudaine rougeur. D’un geste brusque, elle rejeta ses cheveux en arrière, les lissa de ses doigts gauches de garçonnet, puis s’efforça de lutter contre ses boutons.

— Ah ! maître, ce n’est pas tant aux Suédois qu’aux Suédoises que j’en ai ce matin, dit-elle enfin d’une voix boudeuse. Figurez-vous que ces dames de ma chambre émettaient la prétention de me garder ce tantôt pour m’enseigner je ne sais quel point de tapisserie. À moi ! Vous savez bien quelle horreur invincible j’ai pour tout ce que font et disent les femmes, pour leurs commérages, leurs aiguilles, leurs broderies et tout ce qui s’ensuit ! Non seulement j’ai refusé mais je leur ai annoncé que je comptais courir à cheval tout l’après-midi. Et j’ai sur l’heure enfilé mes chausses et mes bottes, à leur nez et à la barbe de Mme de Linden qui a une aussi belle moustache que M. le Chancelier !

— Je vous vois bien, en effet, en costume de cheval, mais les cavaliers les plus accomplis eux-mêmes ne dédaignent pas de passer un peigne dans leurs cheveux et de laver leurs mains ! fit Matthiae avec un léger sourire.

Christine examina d’un œil critique la paume puis le dos de ses mains et, confuse, les cacha derrière son dos.

— C’est vrai qu’elles ne sont guère propres, avoua-t-elle piteusement, mais ces femmes m’ont mise hors de moi ! Ne prétendaient-elles pas me friser comme un caniche qui fait le beau ? Peut-être même me piquer sur chaque oreille des bouffettes de ruban bleu ou rose ? Non, me voyez-vous, moi, en petite fille bien sage comme mes cousines Marie-Euphrosyne et Éléonore ! Quelle horreur !

— Oh ! Madame, vous n’allez pas me dire que vous n’aimez plus les filles de la tante qui vous fut si tendre et dévouée ?

— J’aimais chèrement leur mère, s’écria Christine, j’aime presque autant leur frère, mon cousin, qui tarde trop à revenir de l’étranger.