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le secret de la reine christine

— Pourtant il m’a aimée… Il m’a aimée quand il me croyait pauvre, sans foyer, poursuivie…

— Ah ! Madame ! soupira le comte d’un ton plein de sousentendus.

— Quoi ? Que prétends-tu, serpent ? s’écria Christine en marchant sur lui les poings levés.

— Rien, Madame, rien ! fit-il, épouvanté par les traits bouleversés de la reine, par ses yeux de folle.

— Si, si ! Tu sais quelque chose ! rugit-elle. Parle ! Rinaldo ne m’a-t-il pas aimée, fugitive et traquée ? Parle sur le champ. Sans quoi, je te fais tuer ici-même !

— Il savait qui vous étiez, Madame, balbutia le comte.

— Comment ? Que dis-tu ? Tu mens, misérable chien ! Je vais te faire étriper, écarteler !

Sentinelli tremblait lui aussi, de tous ses membres.

— Nous venions d’Upsal, murmura-t-il, nous avions assisté à la cérémonie de votre abdication… Maître Goefle, votre orfèvre, nous avait introduits dans la salle…

— Alors, la scène dans la forêt ?

— Le mannequin qui effraya votre cheval ? C’est lui qui l’avait dressé, Madame. Tout était préparé, combiné… J’ai dû me taire… Il m’aurait tué… Depuis je dois défendre ma vie, sans cesse en danger… Il me hait.

Sentinelli leva les yeux vers Christine et se tut, la bouche ouverte. Elle était effrayante, méconnaissable, le visage presque noir, les traits contractés de désespoir et de rage, les yeux égarés.

Elle leva le bras et de toutes ses forces lança à Sentinelli un soufflet qui le fit chanceler.

Alors, se tournant soudain, celui-ci s’enfuit vers la porte et disparut.



Ce que fut cette nuit-là pour Christine, Dieu seul l’a su. Et le diable. Le grand amour de sa vie souillé, bafoué. Son immense orgueil outragé. L’humiliation de s’être donnée à un immonde valet