Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
le secret de la reine christine

La jeune voyageuse sauta de cheval. Après ce grand mois de vagabondage, elle était débraillée, dépeignée, assez malpropre, mais son visage hâlé, ses grands yeux brillants, ses lèvres couleur de framboise rayonnaient de jeunesse, de santé, de joie. Elle s’élança vers le comte de Dohna qui lui ouvrait les bras :

— Mon père, je vous ramène votre fils avec grand regret car, sous son nom, je me suis trouvée fort heureuse, et je vous rends également Christine, prête sans grand plaisir à reprendre le joug du monde…

Puis se tournant vers Monaldeschi et son ami, elle ajouta avec son plus grand air de majesté :

— Laissez-moi vous présenter deux gentilshommes italiens, le marquis Monaldeschi et le comte Sentinelli, qui, sans connaître ma qualité, m’ont tirée d’un grand embarras et fidèlement assistée pendant ce voyage. J’entends qu’ils fassent désormais partie de ma suite ; et dès que ma cour sera organisée, je compte nommer le premier Grand Écuyer et le second chambellan, avec tous les avantages et toutes les prérogatives attachés à cet office. Je vous demande, Comte, de veiller à ce que ma volonté soit accomplie.

Elle ne vit pas ou feignit de ne pas voir quelques grimaces sur les physionomies assombries des gentilshommes suédois. Mais elle nota avec plaisir la stupéfaction et la joie qui se peignirent sur les traits des deux comédiens et qu’ils surent fort habilement imiter. Elle avait dès longtemps préparé cette scène et jouissait pleinement de son succès. Le rôle de divinité bienfaisante lui agréait fort.

Et s’en allant vers sa chambre, elle murmura à l’oreille de Monaldeschi :

— Ce soir à minuit.

Et la gratitude de l’amant ne fit qu’accroître son ardeur, en même temps que la joie de donner ajoutait à celle de Christine.



Dès son retour, celle-ci ne s’appartint plus. Elle avait beau n’être désormais qu’une reine privée de royaume et de pouvoir, son glorieux passé, son renom dans les lettres, la pétulante vivacité de son esprit,