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le secret de la reine christine

Et se penchant :

— Je n’aime que toi, je ne regrette que toi, tu le sais, mon amie, ma sœur, murmura-t-elle.

Elle conduisit alors la jeune femme défaillante à son mari qui se tenait parmi les chevaliers et la lui confia.

Deux roses rouges à longue tige étaient passées à sa ceinture ; elle en tendit une à son amie, puis se détournant brusquement courut jusqu’au bac qui l’attendait. Elle sauta sur son cheval que l’on venait d’embarquer et, campée très droite sur son dos, éclairée par deux torches qui faisaient briller les larmes coulant de ses grands yeux, tandis que la barque s’éloignait de la rive, elle contempla longuement le groupe immobile et gémissant qui la suivait des yeux.

Alors, au moment de disparaître, elle leva très haut la rose rouge qu’elle avait gardée, la portant à ses lèvres d’un geste gracieux :

— Adieu, mes amis ! cria-t-elle. Que cette rose rouge soit le signe de mon ardent regret !



Deux hommes demeurés à l’arrière, drapés dans des manteaux de voyage dont un pan cachait le bas de leurs visages, le chapeau enfoncé sur les yeux, s’écartèrent alors du groupe et se dirigèrent vers la ville. C’était les deux gentilshommes italiens qui, arrivés le matin et invités par l’orfèvre de la Cour, Goefle, avaient assisté à la séance de l’abdication.

— Si elle s’embarque demain à Kalmar, la partie est perdue ! fit l’un d’eux.

— Elle est gagnée, car elle ne s’embarque pas.

— Comment le sais-tu, Monaldeschi ?

— Par un cuisinier français, ami et compatriote du valet de chambre de Christine, son homme de confiance. Tout à l’heure pendant que tu baguenaudais avec notre hôte, j’ai été rôder du côté des