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le secret de la reine christine

Tout le monde mit pied à terre. Un grand cercle se forma autour de la reine fugitive. Les torches se rapprochèrent, accrochant des éclairs, révélant les joyaux, les ors et les chamarrures des vêtements de gala que tous avaient conservés, révélant en contraste les visages affligés dont beaucoup étaient inondés de larmes. Tous contemplaient Christine, quelques-uns avec une peine sincère et sans arrière-pensée, les autres pleurant les faveurs et leurs ambitions frustrées.

Elle prit d’abord congé du roi qui de nouveau se jeta à ses pieds et qu’elle releva de nouveau pour le serrer entre ses bras.

— Ah ! Christine, s’écria-t-il. Pourquoi tant vous hâter ? Pourquoi me fuir ? Vous voulez aller aux eaux de Spa, dites-vous ? Soit ! Le maréchal Wrangel et douze vaisseaux de guerre vous attendent à Kalmar. Ils ont l’ordre de vous escorter avec honneur jusqu’à Hambourg. Vous reviendrez ensuite, n’est-ce pas ?

Et lui saisissant les mains pour les porter à ses lèvres :

— Je vous aime toujours, Christine, vous le savez bien ! gémit-il.

— Allons, allons ! mon cousin, fit-elle, la couronne est belle fille. Vous m’aurez bientôt oubliée. Je souhaite seulement que vous me soyez moins ingrat que je ne le crains !

Le Chancelier Oxenstiern, accablé par l’émotion de la cérémonie et qui devait mourir quelques mois plus tard, n’avait pu accompagner son enfant rebelle et toujours chérie. Mais elle étreignit, en leur murmurant des paroles de gratitude et d’affection, les vieux conseillers qui avaient veillé sur son enfance et que brisait la douleur, embrassa ses dames de compagnie, ses cousines, glissant dans l’oreille d’Euphrosyne :

— Sois heureuse, j’espère ne t’avoir pas fait un trop fâcheux cadeau !

Elle serra sur son cœur sa grosse nourrice dont les sanglots secouaient les formes opulentes, donna sa main à baiser aux chevaliers, aux pages, trouvant pour chacun le mot qui pouvait lui toucher le fond du cœur.

Enfin, se retournant vers Ebba qui la suivait comme son ombre, elle l’enlaça tendrement

— Ne pleure pas, ma si douce. Tu sais combien tu vas me manquer ! Je t’écrirai… tu viendras me voir…