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tenait un livre qu’il tenta de cacher sous ses couvertures quand nous entrâmes, « par respect », nous dit-il. J’allai le chercher là où il était, ce qui déjà couvrit notre homme de confusion. C’était Le moyen de parvenir, un ouvrage très rabelaisien et plein de contes grivois.

— Ha ! Ha ! fis-je, montrez-moi les bons endroits, Saumaize.

Il le fit, tout pantois. Je lus d’abord le passage, puis te le passai.

— Allons, Ebba, vois ce beau livre de dévotion. Tiens, lis-nous cette page tout haut.

— Je me souviens de mon embarras, fit la jeune femme, de la rougeur qui me monta au front aux premiers mots malsonnants. Je me tus. Tu insistas. Et je dus aller jusqu’au bout, tandis que tu te tenais les côtes et que notre pauvre pédant se fourrait sous ses couvertures. J’en ai encore chaud !

Les deux amies rirent gaîment.

— Te rappelles-tu encore, continua Ebba qui, inconsciemment, en était revenue au tutoiement d’autrefois, te rappelles-tu les pompeux éloges, parfois un peu bouffons, que te décernaient tous ces gratte-papiers ? Nous en plaisantions ensemble et en avions fait un florilège, avec noms d’auteurs : divine princesse, héroïne céleste, Pallas suédoise, prodige de la nature, nouveau soleil, dixième Muse, sibylle du Nord, etc. J’en passe et des plus mirifiques. Il y en avait comme ça des kyrielles !

— Les pauvres gens ! C’était la seule façon qu’ils eussent de reconnaître mes bienfaits… T’avouerai-je, en outre, qu’au fond je n’en étais pas si fâchée ? Je ne manque point, tu le sais, d’une certaine gloriole. Pourtant quatre petits vers eurent le don de me réjouir jusqu’à la limite : ceux qu’on a fait graver au bas de cet affreux portrait de Weuchterz :

Mortels, vous devez être en peine,
En regardant Sa Majesté,
Si cest le portrait d’une reine
Ou bien d’une divinité…