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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

demeurerez le temps qui conviendra. Vous demanderez au Chancelier des instructions sur la portée diplomatique de votre mission. Mais je vous demande surtout de me bien poser vis-à-vis des Français, de me rendre aimable à leurs yeux. Je vous ouvre la société la plus policée d’Europe et je sais que vous m’y ferez honneur. Votre esprit, votre éloquence, vos avantages physiques qui ne sont pas toujours appréciés ici vous vaudront là-bas des succès dont l’éclat rejaillira jusqu’ici… Quant à moi, croyez-le, je ne vous oublierai pas… C’est tout ce que je puis vous promettre.

— Ah ! je comprends ! s’écria-t-il avec un désespoir qui ne semblait pas feint. Ce mariage avec Charles-Gustave…

Je l’interrompis :

— Le prince partira en même temps que vous. Mais pour l’Allemagne où il exercera les fonctions de généralissime. Et il y demeurera plus longtemps que vous à Paris… Maintenant, allez, Monsieur !

Puis le rappelant :

— J’oubliais… Prenez cette lettre, Comte. Elle est pour le prince de Condé. Vous la lui porterez en passant par l’Allemagne. Vous n’ignorez point que ce prince, aussi brave que spirituel, aussi sage qu’impétueux, est mon héros favori et qu’on me l’a proposé comme prétendant. N’a-t-il pas le nez pareil au mien, long et en forme de cimeterre ? Vous lui direz vous-même combien je l’aime et suis passionnée pour sa gloire…

— Pauvre Magnus ! Son nez droit et bien formé devait s’allonger de jalousie !

Ebba fit sonner son rire argentin auquel Christine mêla le sien.

— En effet. Et j’étais, ma foi, assez satisfaite de voir le dépit et le chagrin lutter sur ces beaux traits qui m’avaient ensorcelée.

Christine se leva, se dirigea lentement vers la cheminée, rapprocha les bûches d’où s’échappèrent des étincelles, puis, appuyant le front contre le chambranle de marbre, se tut un instant en contemplant rêveusement les flammes.

— Que les femmes sont faibles, soupira-t-elle, même quand elles sont reines. J’étais restée digne et fière au cours de cette entrevue, mais comme j’ai pleuré la nuit suivante ! Comme j’ai tendu les bras vers lui ! Comment aurais-je supporté son absence ? Son image ne