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ALEXIS DURAND.

enthousiasme aux jours où, sans connaître la portée de cet acte, à l’ombre de ma forêt, je

    lide : « Origène, » disent les philosophes, « témoigne que les premiers chrétiens faisaient peu de cas des temples et des autels. C’est, en effet, au milieu de l’univers qu’il faut adorer celui qu’on en croit l’auteur. Un autel de pierre, élevé sur une hauteur, au milieu d’un vaste horizon, serait plus auguste et plus digne de la majesté suprême que ces édifices dans lesquels sa puissance et sa grandeur paraissent resserrées entre quatre colonnes. Le peuple se familiarise avec la pompe et les cérémonies d’autant plus aisément que, étant pratiquées par ses semblables, elles sont plus proches de lui et moins propres à lui imposer ; bientôt l’habitude les lui rend indifférentes. Si la synaxe ne se célébrait qu’une fois l’année et qu’on se rassemblât de divers endroits pour y assister, comme on faisait aux jeux olympiques, elle paraîtrait d’une tout autre importance. C’est le sort de toutes choses de devenir moins vénérables en devenant plus communes. »

    On a répondu à ceci de la manière suivante : 1o Il est faux que la vue du ciel et d’un vaste horizon fasse plus d’impression sur le commun des hommes qu’un temple décemment orné. Le peuple est plus accoutumé à voir le ciel et la campagne qu’à voir des cérémonies pompeuses ; il ne médite ni sur la marche des astres ni sur la magnificence de la nature. Le sacrifice offert au ciel, une fois l’année, sur une montagne, par l’empereur de la Chine, à la fête des grands de l’empire, est, sans doute, imposant ; cependant il n’a pas empêché le peuple, les grands, et l’emperer lui-même de tomber dans le polythéisme et d’adorer des idoles dans les pagodes. C’est un fait devenu incontestable. Les Perses et les Chananéens offraient aussi des sacrifices sur les montagnes ; ils n’en adoraient pas moins des marmousets sous des tentes. Aussi Dieu défendit ces sacrifices aux Israélites ; il voulut qu’on lui dressât un tabernacle et ensuite un temple. Montesquieu observe très bien que tous les peuples qui n’ont pas de tentes sont sauvages et barbares.