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[ ARBALÈTE ]
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gâchette m. Celle-ci (voy. en m′), pivotant sur la broche p, déclique la noix. Un ressort r tend à remettre la gâchette en place. Mais pour que l’arme, une fois l’arc bandé, ne puisse partir par l’effet d’un choc ou par inadvertance, la gâchette porte une branche à pivot s′ qui appuie son extrémité sur une paillette ou ressort t. Cette branche, glissant le long d’une goupille fixe, lorsqu’on appuie sur la gâchette, tend à faire sortir la paillette t ; donc, en tournant l’arrêt u de manière que son aile appuie sur la paillette, celle-ci ne peut être poussée par la branche s′, et cette branche restant fixe, la gâchette ne peut agir. On voit en B la paillette t par-dessous, avec l’arrêt u. Pour éviter les pertes de temps, lorsque arbalétrier a passé la bride en cordelle de la boîte du cry sous la crosse de l’arbrier, et pour que cette bride reste en place, le loqueteau n, maintenu par une paillette, est relevé ainsi qu’on le voit en v. Si l’on veut enlever le cry, ce loqueteau est rabattu dans l’entaille X. On voit en D comme est taillée la crosse. Cette arme est attachée sur le dos de l’arbalétrier par une courroie qui passe derrière la boucle de cuir C et à travers l’anneau E. Le carreau ne coule pas dans une rainure, mais est simplement posé sur la face d’ivoire de l’arme et est maintenu par un ressort de corne passant par-dessus la noix. Une hausse de laiton est fixée en arrière de la noix et se rabat sur l’arbrier, ainsi que le montre la figure. Le tir de cette arme est très-juste, le carreau ne subissant aucun frottement ; sa portée est de 100 mètres environ horizontalement, de plein fouet ; beaucoup plus longue, si l’on veut obtenir un tir parabolique.

Indépendamment des arbalétriers mercenaires génois, gascons et brabançons, qu’on employait dans les armées de France dès le xiiie siècle, un grand nombre de bonnes villes des provinces septentrionales possédaient des compagnies d’arbalétriers. En 1230, un arrêt du parlement donne la qualification de grand maître des arbalétriers à Thibaut de Montléard[1]. Cette charge était d’une grande importance et équivalait à celle de major général d’une armée moderne. Les arbalétriers étaient pris dans la bourgeoisie des villes et formés en corporations. En 1351, le roi Jean fit un règlement pour les gens de guerre, dans lequel il est dit que : « l’arbalestrier qui aura bonne arbaleste et fort selon sa force, bon baudrier et sera armé de plates, de cerveillière, de gorgerette, d’espée, de coustel, de harnois[2], de bras de fer et de cuir, aura le jour (par jour) trois

  1. Recherches historiques sur les corporations des archers et arbalétriers, par Victor Fouque, 1832.
  2. C’est-à-dire de brigantines et de mailles.