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[ ARBALÈTE ]
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(fig. 3) une de ces armes de jet[1]. Sa longeur totale est de 0m,95 (3 pieds 1 pouce), non compris l’étrier. L’arc d’acier a 0m,73 d’envergure ; sa largeur au milieu est de 0m,006, son épaisseur de 0m,015 ; aux extrémités, de 0m,03 sur 0m,006. L’arbrier a 0m,04 à l’étrier et 0m,025 sur 0m,035 au bout. De la main gauche, quand l’arc était bandé, le tireur saisissait le renfort a ; plaçant le bout b sous son aisselle droite, il posait la paume de la main droite en C ; puis, quand il avait visé, il appuyait sur le fer détourné d de la gâchette, et faisait ainsi décliquer la noix. Ce déclic est indiqué en e dans l’ensemble A, qui présente en même temps le profil et la coupe de l’arbalète, et en E dans un détail au quart de l’exécution.

La noix était habituellement faite de corne de cerf, avec pivot et broche d’acier pour recevoir l’extrémité de la gâchette. Celle-ci est de fer, avec pivot et ressort en r. En f, est présentée la noix de face ; un ressort s, le plus souvent fait d’une lame de corne, maintenait le carreau dans sa rigole. La commotion produite sur la corde et son arc par le décliquage était telle, qu’il fallait que l’arc d’acier fût solidement maintenu au sommet de l’arbrier. À cet effet, deux bielles de fer posées sur joues de fer, avec cales également de fer à la queue, retenaient l’arc i et l’étrier g. Ces cales étaient disposées ainsi que l’indique le détail t. Les bouts de l’arc d’acier étaient habilement forgés, ainsi que le montrent les détails l, l′, l″ pour retenir les boucles de la corde. Celle-ci était faite de fils de chanvre non tordus, mais entourés, au milieu et aux extrémités, de fils fortement serrés (voyez en h). Il fallait l’aide d’une machine pour faire entrer les boucles de la corde dans les encoches qui leur étaient réservées aux extrémités de l’arc. Cette arme étant très-pesante, le tireur appuyait, pour viser, le coude du bras gauche sur son flanc gauche. Dans cette position on peut maintenir l’arbrier fixe pendant quelques secondes.

Lorsque le carreau était parti, la noix était renversée, ayant pivoté sur son axe ; l’arrêt X était masqué, et le mamelon n dépassait la ligne de l’arbrier. En ramenant la corde, ce mamelon était remis en place, l’arrêt X sortait de nouveau, et l’extrémité de la gâchette entrait dans son encliquetage. L’arbalète était ainsi armée par la corde.

Voici comment celle-ci était amenée jusqu’à l’encoche de la noix (fig. 4[2]), — car il était impossible de bander l’arc avec la main ou à

  1. Musée du château de Pierrefonds. Il est question d’arbalètes à tour bien avant le xve siècle, dans l’Histoire de saint Louis du sire de Joinville, par exemple. Mais ces arbalètes étaient des engins de position sur roues et mus par plusieurs hommes. (Voyez dans le Dictionn. d’architect., a l’article Engin, la figure 17.)
  2. Du musée d’artillerie de Paris.