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de 1460, la cotte d’armes se retrouve fréquemment dans la forme de celle donnée ci-contre, mais elle semble être le privilège des personnages marquants ou de leurs hérauts.

Vers 1470, la noblesse adopte une autre forme de cotte et qui laissait aux mouvements une plus grande liberté. La belle statue de Charles d’Artois, comte d’Eu, mort en 1471, et déposée autrefois dans le chœur de l’église abbatiale de cette ville[1], présente un des exemples les plus remarquables de ce vêtement d’un très-noble chevalier (fig. 50). Cette cotte, serrée autour de la taille, est doublée à sa partie supérieure d’une sorte de large pèlerine qui couvre seulement le haut des bras et le dos. Cette cotte est armoyée de pièces saillantes d’orfèvrerie et brodées, qui sont trois fleurs de lis d’or sur la cotte d’azur, surmontées d’un lambel à trois pendants de gueules, chargés chacun de trois châtelets d’or. L’armure de ce prince était dorée en plein[2]. Vers la fin du xve siècle, on renonce absolument, en France comme en Allemagne, aux corselets articulés. La cuirasse ne se compose plus que d’un plastron et d’une dossière. Mais, pour laisser une certaine aisance au haut du torse, le gorgerin et le colletin descendent très-bas sous les deux pièces de la cuirasse. À cette époque, les armures dites maximiliennes étaient fort en vogue, et celles qu’on fabriquait en France avaient, avec ces armures, beaucoup de ressemblance. Toutefois la cannelure ne paraît pas avoir été pratiquée sur les armures françaises, et, comme nous l’avons dit plus haut, ces cannelures ajoutaient beaucoup à la résistance des pièces d’acier ; aussi les armures dites maximiliennes étaient-elles fort estimées et d’un trop grand prix pour ne pouvoir être portées que par les gentilshommes riches. La planche V donne une de ces armures maximiliennes[3]. Elle est entièrement couverte de fines cannelures. On observera que le plastron est fort échancré du haut, et que l’intervalle qui le sépare de l’armet est rempli par des pièces qui sont : le colletin et le gorgerin.

La spallière de droite est échancrée au droit de l’aisselle pour laisser passer le bois de la lance ; mais une rouelle mobile et pouvant se relever, laisse le jeu nécessaire au passage du bois et couvre le défaut. La spalhlière de gauche masque bien l’aisselle ; sa garde de

  1. Aujourd’hui dans la crypte de la même église.
  2. Voyez, pour la coloration de cette statue, fort altérée, la collection Gaignières d’Oxford, biblioth. Bodleienne, ou les copies de cette collection déposées au cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale.
  3. Du musée de Pierrefonds.