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au point de vue de la composition et de l’exécution. Les mouvements du corps ne sont gênés en rien sous ce harnais, qui épouse si bien les formes en les protégeant. Le harnais de jambes est d’une finesse remarquable, et il demeure évident que ces armures étaient faites pour celui qui les portait. C’est là un des caractères des armures de fer. Jusqu’alors des hommes de même taille pouvaient endosser toutes les armures ; mais, à l’époque où le harnais de fer battu enveloppa exactement les formes, il fallait que l’armurier pût mouler, pour ainsi dire, l’homme pour lequel il fabriquait un habillement de guerre. Aussi trouve-t-on dans les armures, à dater de 1430, des singularités qui sont motivées par la conformation particulière à chaque individu. C’est surtout dans les cuissots et les jambières que l’on observe un caractère personnel. Et de fait, lorsqu’on trouve un de ces habillements appropriés à la taille, si on l’endosse, on n’éprouve aucune gêne et tous les mouvements s’exécutent librement. Le poids même de ces harnais est peu sensible, tant il est bien réparti sur toutes les parties du corps et combiné en raison des résistances. Le harnais (planche II) ne pèse pas plus de 25 kilogrammes. Il est composé de feuilles d’acier battu très-minces, mais très-résistantes. Le métal, écroui, a acquis une fermeté et une rigidité extraordinaires.

Le corselet se compose d’un plastron et d’une pansière articulés au moyen d’une attache centrale, ce qui permet au corps de se plier en avant. La dossière se compose également de deux pièces principales pouvant permettre le pliage du torse ; plus, de deux entournures articulées qui facilitent le mouvement en arrière des épaules. Entaillé très-profondément latéralement, le corselet ne peut gêner les mouvements latéraux du torse. Les tassettes sont articulées devant et derrière avec garde-cuisses. L’armet, dont le gorgerin passe sous le corselet, est une pièce excellente laissant à la tête tous ses mouvements. (Voy. Armet, fig. 1, 1 bis et 2.)

La spallière de droite est légèrement entaillée au droit du fautre, qui est à charnière et peut se relever. Les arrière-bras, les garde-bras et les avant-bras tiennent ensemble et sont d’une souplesse parfaite. Les gantelets sont attachés par des courroies aux avant-bras et n’ont plus de gardes. Les cuissots sont soigneusement articulés sous les aines et au-dessus des genouillères, armées latéralement de gardes délicates. Les grèves sont articulées au-dessous des genouillères et descendent jusqu’au sol, en couvrant les chevilles. Les solerets et les talonnières sont rapportés. Quant aux poulaines, elles peuvent être facilement enlevées, si l’homme d’armes combat à pied.