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d’armes n’étaient pas en état de les payer. Aussi beaucoup s’habillaient-ils de brigantines, de gambisons garnis de lames d’acier et de rivets ; mais, vers 1400, l’armure de fer fut adoptée définitivement par la chevalerie, coûte que coûte. C’était le harnais blanc, c’est-à-dire simplement poli, sans aucun agrément et garantissant absolument le corps et les membres. Le bacinet remplaçait le heaume, dont on ne se servait plus guère que dans les tournois. Le corselet d’acier, composé du plastron, de la pansière et de la dossière, suppléait aux plastronnages plus ou moins armes, dont on se servait si fréquemment avant cette époque. Aux cottes succédaient les tassettes ; les spallières prenaient un grand développement et protégeaient efficacement les épaules, les aisselles et les omoplates. Rarement des gorgerettes de mailles, mais de lames d’acier, à recouvrements articulés. Les cubitières, amples, garantissaient la saignée et le coude. Les gantelets étaient merveilleux de souplesse.

Les armuriers avaient certainement observé scrupuleusement le jeu des articulations de la queue de l’écrevisse, et, partant de ce principe, ils composaient les plaques de recouvrement destinées à former les tassettes, certaines parties des arrière-bras, les gorgerins, les alentours du genou et quelquefois même les pansières. L’infanterie commençait alors à prendre dans les batailles un rôle important. Les troupes à pied, de l’Angleterre surtout, étaient bien disciplinées, solides, et faisaient beaucoup de mal à la cavalerie avec les plomées, les fauchards et vouges. Les arbalètes, plus fortes, envoyaient des carreaux qui perçaient les plastrons et les brigantines. On croyait rendre à la cavalerie la puissance qu’elle perdait chaque jour en perfectionnant son armement défensif. D’ailleurs, cette cavalerie mettait alors pied à terre, souvent, pour combattre. On s’abordait à la lance raccourcie ou à l’épée, ou à la masse ; il paraissait nécessaire de couvrir de fer exactement toutes les parties du corps, en évitant les jointures, les défauts, pour mieux résister à ce genre de combat très-meurtrier. Cependant la pesanteur de ces armes était grande , et cette chevalerie combattant à pied, peu mobile, promptement épuisée de forces, ne pouvait soutenir une longue lutte.

La figure 40[1] nous montre la transition entre l’armure de plates et l’armure de fer. Cet homme d’armes est vêtu du corselet avec doublure, à laquelle est fixée, par une courroie devant et une cour-

  1. Manuscr. Biblioth. nation., le Livre de Guyron le Courtois, français (1400 env.).