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[ LAMPESIER ]
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Il était d’usage, autrefois comme aujourd’hui, de maintenir au moins une lampe allumée devant l’autel, et, pendant les fêtes solennelles, de garnir un grand nombre de lampes de godets et de bougies de cire, non-seulement dans l’enceinte des églises, mais même dans les rues. Cet usage avait été pratiqué dans les églises de Byzance dès les premiers siècles du christianisme, et Sainte-Sophie se distinguait entre toutes les églises de la capitale de l’empire d’Orient par son riche luminaire[1]. En Occident, nous voyons que des rentes fixes et des revenus fonciers étaient affectés à l’entretien du luminaire dans les églises abbatiales, collégiales, paroissiales et dans les cathédrales. A en juger par l’importance de ces dotations, le luminaire des églises devait être autrefois très-considérable. Les lampiers étaient vulgairement fabriqués en cuivre doré, enrichis d’émaux, de boules de cristal, de dentelles découpées dans le métal, de pendeloques, que rehaussait encore l’éclat des lumières. En Orient, il existait des lampiers en forme de navire contenant un grand nombre de lumières ; le mat était terminé par une croix[2].

Il n’existe plus en France une seule de ces lampes, qui se trouvaient encore, avant la révolution du dernier siècle, en grand nombre dans nos églises ; tout a été jeté au creuset ou détruit. Nous n’en pouvons connaître la forme que par quelques descriptions assez vagues ou des représentations peintes ou sculptées. Nous sommes donc forcés d’avoir recours à ces renseignements. Toutefois on voit encore, dans l’église d’Aix-la-Chapelle, une couronne de lumières donnée par l’empereur Frédéric Barberousse, qui peut passer pour une œuvre des plus remarquables et des plus complètes du moyen âge, sous le double rapport du goût et de l’exécution ; le travail en est occidental, et nous semble plutôt avoir été exécuté de ce côté-ci du Rhin qu’au delà. Cette couronne se compose, en plan horizontal, de huit segments de cercle retenus par huit chaînes se réunissant en quatre ; aux points de rencontre des arcs de cercle et au sommet de chacun des arcs, sont des lampes ajourées, autrefois garnies de statuettes d’argent[3] ; deux bandes de cuivre gravées, formant les lobes de la couronne, rappellent en vers latins le don de l’empereur. Outre les lampes, quarante-huit bobèches permettaient

  1. Paul le Silentiaire, Descript. de Sainte-Sophie.
  2. Ibid. — Voyez la savante dissertation du R. P. Cahier, dans les Mélanges d’archéologie, vol. III, p. 1, sur la couronne de lumières d’Aix-la-Chapelle.
  3. L’invasion française fut cause que ces statuettes, ainsi que la dentelle d’argent qui garnissait le milieu des bandes de cuivre, ont été enlevées.