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pierres appareillées, les claveaux b en dehors des angles. Il aura de même fait sortir des faces c des arcs-doubleaux d. L’ensemble du sommier ainsi modifié occupera donc une surface fghi, plus étendue que celle occupée par le sommier de la voûte primitive. Il faudra, dès lors, ou que le chapiteau prenne un évasement considérable, ou que la pile soit plus grosse. Mais cependant les architectes, au XIIe siècle, sentaient déjà qu’il était nécessaire de réduire autant que possible les points d’appui dans les intérieurs des édifices. Le nouveau système adopté paraissait donc en contradiction avec cette nécessité admise. On évasa les chapiteaux ; mais n’osant pas porter toute la saillie de ces arcs ressortis, en encorbellement sur le nu des piles, on ajouta à celles-ci, non pas une augmentation uniforme de surface, mais des membres portants, ainsi que nous l’avons fait voir dans la figure 9, ce qui permettait d’ailleurs de diminuer le corps principal de la pile.

Ainsi naissent ces faisceaux de colonnes engagées, qui sont une première déduction logique du nouveau mode de voûtage. Puisque les arcs-doubleaux et arcs ogives (diagonaux) étaient extraits de la voûte byzantine pour paraître sous sa surface interne, il était naturel d’extraire du corps de la pile elle-même des membres pour porter ces arcs. L’idée de réduction absolue de l’ensemble ne vient que successivement. On voit même, dans les monuments voûtés suivant la méthode gothique les plus anciens, que les piles, par suite de l’opération que nous venons d’indiquer, occupent une surface supérieure, relativement, à celle occupée par les piles des derniers monuments de la période romane. On croyait nécessaire de trouver en supplément les surfaces propres à recevoir les arcs nouvellement adoptés. Cette disposition est surtout sensible dans les provinces où le travail de transition de la voûte romane à la voûte gothique se fait avec lenteur, avec timidité. Ainsi les piles de la nef (sans collatéraux) de l’église de la Trinité, à Laval, qui date du milieu du XIIe siècle, portent un système complet d’arcs-doubleaux et d’arcs ogives