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plifié, conduit à une structure bornée dans les moyens et qui ne peut aboutir à des résultats étendus, tandis que le système de la voûte en arcs d’ogive se prête à toutes les combinaisons possibles, sans qu’il en résulte jamais pour le constructeur des difficultés d’exécution, soit dans le tracé, soit dans le mode de cintrage, soit dans l’appareil. C’est d’abord dans l’église de l’abbaye de Saint-Denis, bâtie par Suger, qu’apparaît franchement l’application de ce dernier système. Dans des articles dus à notre savant ami F. de Verneilh, trop tôt enlevé aux études archéologiques[1], il est dit que les voûtes du chœur de l’église abbatiale de Saint-Denis sont une déduction, une conséquence de celles qui pourtournent le chœur de l’église collégiale de Poissy, dont nous avons montré la structure (fig. 18 et 19). Nous ne pouvons nous rendre à cette opinion ; les voûtes du collatéral circulaire de Poissy n’accusent point l’origine du principe admis dans l’église de Saint-Denis. Ces voûtes de Poissy sont des voûtes romanes qui essayent de s’affranchir des difficultés tenant au mode de structure roman, mais qui ne laissent en rien soupçonner le nouveau système inauguré à Saint-Denis. Nous persistons donc à dire que les embryons de ce système nous font défaut, qu’ils n’existent plus, ou que l’église de Saint-Denis présente tout à coup en 1140 un premier exemple complet de ce mode de structure des voûtes. On va en juger.

La figure 22 présente en A le plan d’une demi-chapelle du tour du chœur de l’église abbatiale de Saint-Denis, avec le double collatéral pourtournant. Ce plan étant donné, que l’on se pose le problème de le voûter à l’aide du système romain ou du système roman, la solution sera impossible.

Par quels artifices de pénétrations pourrait-on voûter les chapelles ? Par des coupoles ? Peut-être ; mais alors il faudrait que ces coupoles reposassent sur des arcs, établir des pendentifs, et alors prendre une hauteur considérable. D’ailleurs ces pendentifs biais, irréguliers, produiraient un très-mauvais effet. En établissant son plan, l’architecte de l’abside de Saint-Denis savait comment il allait le voûter ; ou, pour parler plus vrai, c’était le système de voûtes à employer qui lui donnait les dispositions de son plan. D’abord le cercle intérieur qui lui sert à tracer le périmètre de la chapelle rencontre en a le tailloir de la colonne monostyle b, de sorte que les branches d’arcs ogives ac, de, ec, sont égales entre elles. Ayant tracé l’arc-doubleau f et l’archivolte g, il prend le milieu de l’axe gf, en i, et il trace les deux branches d’arcs ogives bi, hi, puis il trace les arcs-doubleaux hb, bi. Il est clair que tous ces arcs sont indépendants ; l’architecte est le maître de placer où bon lui semble leur naissance. Mais (et c’est là où apparaissent les conséquences forcées du nouveau système adopté), s’il eût tracé ces arcs en plein cintre, ou il eût fallu que les naissances de ces arcs eussent été à des niveaux

  1. Voyez les Annales archéologiques, t. XXIII, p. 1 à 18 et 115 à 132.