Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 9.djvu/497

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[voûte]
— 494 —

de la pénétration P viendra toucher l’extrados de l’arc-doubleau. Il n’est pas besoin d’insister sur le mauvais effet de cette combinaison. Si (voy. en C, fig. 17) de ces trois membres d’arcs nous formons un sommier composé par la pénétration des lits de ces arcs, ceux-ci ne deviendront indépendants que lorsque leur courbure d’extrados se détachera de la verticale ; mais comme les naissances de ces arcs ne sont pas au même niveau (voyez le tracé perspectif C′), nous aurons encore en t un triangle vertical qui déportera la naissance de l’arête en s. Pour des artistes qui cherchaient les formes les mieux appropriées à l’objet, ces arêtes déportées, ne naissant pas dans le fond de l’angle rentrant, ayant l’air de reposer sur les reins de l’arc-doubleau, ne pouvaient être une solution satisfaisante. Ces archivoltes et arcs-doubleaux reposant en bec de flûte sur le tailloir ne présentaient pas une structure conforme aux principes de la voûte portée sur des arcs saillants ; principes qui veulent que chacun de ces arcs conserve sa forme et sa dimension dans la totalité de son développement. Les maîtres essayèrent donc d’autres combinaisons, D’abord ils pensèrent que l’arc-doubleau, qui ne porte pas charge, pouvait être diminué de largeur, ce qui laissait, en apparence, plus de lit aux premiers claveaux des archivoltes et permettait à la voûte de prendre plus bas sa naissance. Pour quelque temps, ils s’en tinrent à ce dernier parti, en trichant, autant que faire se pouvait, soit en donnant plus de profondeur au tailloir que de largeur, soit en posant le premier claveau un peu en encorbellement sur ce tailloir, de manière à le dégager. Cependant la structure des voûtes elles-mêmes avait suivi ces progrès. Faites d’abord de moellons jetés sur forme, on établit bientôt leur naissance en pierre, puis on essaya de les construire entièrement en moellons taillés, appareillés. Pour des appareilleurs qui n’étaient pas familiers avec l’art du trait, — nous parlons des premières années du XIIe siècle, — il n’était point aisé de tracer l’appareil de voûtes d’arête tournantes ; aussi ces premières voûtes appareillées présentent-elles les coupes les plus bizarres, les expédients les plus naïfs. À défaut d’expérience, ces artistes avaient la ténacité, entrevoyaient un but défini, et ce n’est pas un petit enseignement qu’ils nous donnent quand nous voulons suivre pas à pas les étapes qu’ils ont faites dans l’art de la construction, sans abandonner un seul jour la voie tracée dès leurs premiers essais. Leurs déductions s’enchaînent avec une rigueur de logique dont on ne saurait trouver l’équivalent à une autre époque ; et c’est dans l’Île-de-France particulièrement que l’on constate la persistance des constructeurs à poursuivre les conséquences d’un principe admis.

Les bas côtés du chœur de l’église collégiale de Poissy étaient élevés de 1125 à 1130. Portées du côté du sanctuaire sur des colonnes monostyles, les voûtes de ce collatéral possèdent déjà des arcs-doubleaux séparatifs et des archivoltes dont les naissances sont au même niveau ; il en résulte que les voûtes d’arête naissent dans l’angle rentrant formé par les extrados de ces arcs qui sont à peu près indépendants. Nous disons