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quelques vitraux assez remarquables comme entente générale de l’effet, le dessin incline visiblement vers le maniéré. Comme couleur, les belles harmonies des XIIe et XIIIe siècles sont perdues, et les peintres recherchent les tons brillants faisant contraste avec des tons de grisaille. Les jaunes d’argent, nouvellement trouvés, prennent une trop grande place et donnent un aspect fade aux verrières. On cherche à remplir les fonds de damasquinages, pour éviter leur rayonnement sur les figures traitées avec maigreur et dont le modelé est trop cherché. On évite les grandes figures, et les grisailles prennent chaque jour plus d’importance. On ne savait plus comme précédemment établir une différence tranchée entre l’art du peintre sur mur ou panneau et l’art du peintre verrier ; au contraire, la peinture sur verre tendait chaque jour davantage à chercher les effets qui conviennent à la peinture opaque.

L’état désastreux de la France pendant les dernières années du XIVe siècle et la première moitié du XVe ne permit guère aux peintres verriers d’exercer leurs talents. Aussi les vitraux de cette époque sont-ils fort rares, et le peu qui nous reste de ces œuvres est-il d’une médiocre valeur. On fabriquait cependant des grisailles, et l’art ne se perdait pas, puisque vers la fin du XVe siècle, on le voit reprendre une nouvelle vie, mais dans des conditions étrangères à l’art ancien. Trois écoles principales se relevèrent alors, l’école de l’Île-de-France, celle de Troyes et celle de Toulouse ; cette dernière, la plus élevée certainement au point de vue où l’on doit se placer lorsqu’il s’agit de la peinture translucide. L’école de l’Île-de-France reporte sur verre des compositions qui conviendraient aussi bien et mieux même, peintes sur surfaces opaques. Tels sont, par exemple, les vitraux de la rose de la sainte Chapelle, qui datent de la fin du XVe siècle. L’école de Troyes est moins éloignée des conditions qui conviennent à la peinture translucide ; elle possède encore un sentiment assez juste de l’harmonie des tons, et les sujets sont traités de façon à profiter des qualités essentielles au vitrail. Quant à l’école de Toulouse, elle atteint parfois à la perfection : son style, comme dessin, est large, élevé ; sa valeur, comme emploi des couleurs translucides, rivalise avec les belles œuvres du XIIIe siècle. Mais ce n’est guère qu’au commencement du XVIe siècle que cette école atteint l’apogée. Les vitraux de la cathédrale d’Auch[1], ceux des églises de Lombez, de Fleurance, sont réellement fort beaux et d’une tonalité puissante et harmonieuse. D’ailleurs les verriers de cette époque, au nord et au midi, avaient trouvé des perfectionnements dans le détail de la fabrication, qui leur permettaient de produire des effets inconnus jusqu’alors. Ils doublaient certains verres, le rouge, le vert, le bleu pâle, le pourpre mordoré, et en enlevant à la molette partie de ces doublures, ainsi qu’on le fait aujourd’hui pour les verres dits de Bohême, ils obtenaient des broderies, des détails délicats, qu’ils pouvaient encore colorer avec le

  1. Voyez la Monographie de la cathédrale d’Auch, par M. l’abbé Caneto.