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sonne A, c’est-à-dire de blanc. Même règle pour la bordure : le fond des bouquets est B, les bouquets sont I, O, la lancette centrale et la rouelle sont J ; mais la lancette centrale est très-menue, se rattache au blanc, ainsi que la rouelle. Cependant les fonds des prophètes sont R, et le B entre pour une forte part dans les vêtements de ces prophètes, ainsi que le J ; mais c’est là un de ces procédés d’harmonie fréquents à cette époque et qui confirme la règle ci-dessus donnée. D’abord le B ou le bleu employé est, dans la plupart de ces vêtements, ou verdâtre ou azuré clair, ce qui n’en fait plus une couleur simple ; le J est ou paille ou très-fumeux. Il y a ici un cas particulier, la donnée harmonique de l’artiste était celle-ci : obtenir un milieu brillant, limpide, léger, doux à l’œil. Pour arriver à ce résultat, il fallait avoir autour de cette partie centrale une coloration vigoureuse, un peu dure même, une sorte de dissonance qui fît repoussoir. De là ces alliances de rouge et de bleu. Mais si l’on regarde cette belle verrière, avec quel art de coloriste cet effet est-il obtenu ! Dans ces vêtements bleus des prophètes passent des bandes pourpres ; puis, sur des parties voisines d’un bleu azuré, des tons vert d’émeraude très-lumineux ; de longs phylactères blancs, même des robes blanches, viennent détruire ce qu’il y aurait de trop forcé dans les tons de ces deux bordures des prophètes. La puissance du fond vert d’émeraude des écoinçons, séparé du fond rouge des prophètes par un filet blanc et un filet B pur qui est le B du fond des rois, ajoute encore à l’effet solide de la tonalité, et ce vert d’émeraude est rendu fin et doux cependant par les larges feuilles pourpres qui mordent dessus et qui partent des carrés bleus niellés (voy. la fig. 8).

Les peintres verriers du XIIe siècle ont employé parfois ces fonds verts, mais seulement pour des parties accessoires, des ornements, et pour faire participer ces fonds à un système de bordure dans le genre de celui que nous venons de décrire. D’ailleurs, pour les sujets, pendant les XIIe et XIIIe siècles, les fonds bleus et rouges ; c’est-à-dire des couleurs simples d’une coloration puissante, sont seuls employés, et cela se conçoit. Dès l’instant que les verriers avaient reconnu qu’avec une couleur dominante, comme un fond, il ne faut plus qu’exceptionnellement des couleurs de même ordre, c’est-à-dire qu’avec une couleur consonne dominante (pour en revenir à notre théorie), il ne faut employer que des couleurs voyelles, et vice versa, force était de prendre pour les fonds les couleurs simples ; car, en supposant qu’on eût pris un fond pourpre (couleur composée) ; par exemple, les objets compris dans ce fond ne pouvaient être que le bleu, le rouge et le jaune (couleurs simples). Cela diminuait les ressources de la palette du verrier à trois couleurs et au blanc, pour tous les vêtements, nus et ornements du sujet, ce qui présentait une harmonie monotone et bornée. En adoptant les fonds bleus et rouges, bleus surtout, le peintre verrier avait, pour colorer les sujets et ornements, deux verts, deux pourpres, le bleu gris de lin et le bleu turquoise, c’est-à-dire six couleurs, sans compter le