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la seconde moitié du XIIe siècle[1] du moins les recettes qu’il donne, le goût de l’ornementation qu’il prescrit, semblent-ils indiquer cette date.

Ce n’est pas en théoricien que Théophile écrit son livre, mais en praticien ; aussi a-t-il pour nous aujourd’hui un intérêt sérieux, d’autant que les procédés qu’il indique concordent exactement avec les monuments qui nous restent de cette époque. Il nous faut donc analyser ces documents. Il commence[2] par donner la manière de composer les verrières.

« D’abord, dit-il, faites une table de bois plane et de telle largeur et longueur que vous puissiez tracer dessus deux panneaux de chaque fenêtre. » Cette table est enduite d’une couche de craie détrempée dans de l’eau et frottée avec un linge. C’est sur cette préparation bien sèche que l’artiste trace les sujets ou ornements avec un style de plomb ou d’étain ; puis, quand le trait est obtenu, avec un contour rouge ou noir, au pinceau. Entre ces linéaments, les couleurs sont marquées pour chaque pièce au moyen d’un signe ou d’une lettre.

Des morceaux de verre convenables sont successivement posés sur la table, et les linéaments principaux, qui sont ceux des plombs, sont calqués sur ces verres, lesquels alors sont coupés au moyen d’un fer chaud et du grésoir[3].

Théophile ne dit pas clairement s’il indique sur la table (que nous appellerons le carton) le modelé complet des figures ou ornements. Il ne parle que du trait ; cependant, lorsqu’il s’agit de peindre, c’est-à-dire de faire le modelé sur les verres découpés, il dit qu’il faudra suivre scrupuleusement les traits qui sont sur le carton. Ce passage s’explique naturellement, si l’on examine comment sont peints les vitraux du XIIe siècle.

Sur ces morceaux de verre, le modelé n’est autre chose qu’une suite de traits dans le sens de la forme.

Nous allons revenir tout à l’heure sur cette partie importante de l’art du verrier.

Théophile[4] indique la recette pour faire la grisaille, le modelé, le trait répété sur les verres. Tous ceux qui ont regardé de près des vitraux fabriqués pendant les XIIe et XIIIe siècles, savent que les verres employés sont colorés dans la pâte, et que le modelé n’est obtenu qu’au moyen d’une peinture noire ou noir brun appliquée au pinceau sur ces verres et vitrifiée au feu. C’est de cette couleur noire que parle Théophile dans son chapitre xix. Il la compose de cuivre mince brûlé dans un vase de fer, de verre vert et de saphir grec. Il ne nous dit pas ce qu’il entend par saphir grec. Était-ce une substance naturelle ou artificielle,

  1. Diversarum artium schedula.
  2. Lib. II, cap. xvii.
  3. Le diamant remplace avantageusement aujourd’hui le fer chaud.
  4. Lib. II, cap. xix, De colore cum quo vitrum pingitur.