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Grèce et de la partie méridionale de l’Italie ne nécessitait pas des précautions habituelles contre le froid.

Mais si l’on ne peut affirmer que les Grecs et les Romains de l’antiquité aient employé les verres colorés pour les vitrages, on peut admettre que les Asiatiques possédaient ce mode de décoration translucide dès une époque reculée. C’est à dater des rapports de Rome avec l’Asie que nous voyons introduire en Italie les mosaïques composées de cubes de pâtes de verre colorées. Quand l’empire s’établit à Byzance, c’est d’Orient que viennent ces vases de verre coloré auxquels, en Occident, on attachait, dès le VIIe siècle, un si grand prix. Les choses se modifient peu en Orient, et les claires-voies de stuc ou de marbre sertissant des morceaux de verre de couleurs variées, que nous voyons attachées à des monuments des XIIIe et XIVe siècles en Asie et jusqu’en Égypte, doivent être une très-ancienne tradition dont le berceau paraît être la Perse.

Quoi qu’il en soit de ces origines plus ou moins lointaines, on fabriquait des vitraux colorés en grand nombre dès le XIIe siècle en Occident, et le moine Théophile, qui appartient à cette époque, ne présente pas les moyens de fabrication de ces objets comme étant une nouveauté. Son texte, au contraire, dénote une longue pratique de ce genre de peinture translucide, et les vitraux que nous possédons encore, datant de ce siècle, sont, comme exécution, d’une telle perfection, qu’il faut bien supposer, pour obtenir ce développement d’une industrie dont les moyens sont passablement compliqués, une longue expérience.

Il est étrange, objectera-t-on, qu’il ne reste pas un seul panneau de vitrail coloré authentique avant le XIIe siècle, tandis que nous possédons encore des objets bien antérieurs à cette époque. Mais quand on sait avec quelle facilité, chez nous, on laisse périr les choses qui ne sont plus de mode, et comment les vitraux se détruisent aisément dès qu’ils sont déplacés, cette objection perd beaucoup de sa valeur.

De toutes les verrières qui, pendant la révolution, avaient été transportées au musée des monuments français, que reste-t-il ? Une dizaine de panneaux à Saint-Denis, quelques-uns à Écouen et à Chantilly, et c’est tout[1].

Il nous faut donc prendre l’art du verrier au moment où apparaissent les monuments, c’est-à-dire vers 1100 ; et l’on peut dire que ces monuments du XIIe siècle sont les plus remarquables, si l’on considère cet art au point de vue décoratif.

L’ouvrage du moine Théophile est le plus ancien document écrit que l’on possède sur la fabrication des vitraux, et ce religieux vivait dans

  1. Sachant que beaucoup de ces vitraux avaient été transportés dans les magasins de Saint-Denis, après la dispersion du musée des Petits-Augustins, nous demandâmes, dès que nous fûmes chargés des restaurations de l’église abbatiale, où étaient déposés ces vitraux… On nous montra trois ou quatre caisses contenant des milliers de morceaux de verre empilés… À peine s’il en restait trois morceaux unis par des plombs… Les caisses sont encore à attendre la fée qui voudra bien débrouiller ce chaos.