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un trône, tenant le Christ enfant entre ses genoux. Elle est couronnée ; des anges adorateurs encensent l’Enfant divin. Nous voyons la Vierge ainsi représentée aux portes du côté droit des façades des cathédrales de Chartres et de Paris, dans les tympans, portes qui datent de cette époque[1]. La figure 1 reproduit la Vierge de la cathédrale de Paris, mieux conservée que celle de Notre-Dame de Chartres, mais semblable, quant à la pose et aux attributs. La mère du Sauveur maintient, de la main gauche l’Enfant dans son giron ; de la droite, elle porte un sceptre terminé par un fruit d’iris. Elle est nimbée, ainsi que le Christ ; celui-ci bénit de la main droite, et tient de la gauche le livre des Évangiles. L’exécution de cette figure, beaucoup plus grande que nature, est fort belle, et les têtes ont un caractère qui se rapproche beaucoup de la sculpture grecque archaïque.

Cette manière de représenter la sainte Vierge était empruntée aux artistes grecs ; c’était une importation byzantine due aux ivoires et peintures qui furent, en si grand nombre, rapportés d’Orient par les croisés. Dans ces représentations peintes ou sculptées grecques, il est évident que le Christ, par la place qu’il occupe, par son geste bénissant, est le personnage principal ; que la Vierge, toute vénérée qu’elle est, n’est là qu’un support, la femme élue pour enfanter et élever le Fils de Dieu. Le milieu du XIIe siècle ne sort pas de cette donnée, et l’on voit encore, dans l’église abbatiale de Saint-Denis, une Vierge de bois de cette époque, provenant du prieuré de Saint-Martin des Champs, qui reproduit exactement cette attitude[2]. L’archaïsme grec, dont ces objets d’art étaient empreints, ne pouvait longtemps convenir aux écoles laïques de la fin du XIIe siècle. On voit encore la Vierge assise tenant le divin Enfant, au milieu de son giron (dans l’axe), suivant le mode grec, dans quelques édifices du commencement du XIIIe siècle, comme à la cathédrale de Laon, comme à l’une des portes nord de Notre-Dame de Reims ; puis c’est tout. À dater de cette époque, la Vierge n’est plus représentée assise et tenant son fils dans son giron que dans les scènes de l’adoration des mages. Si elle occupe une place honorable, elle est debout, couronnée, triomphante, tenant son fils sur son bras gauche, une branche

  1. Il ne faut pas perdre de vue que le tympan de la porte de droite de la façade occidentale de Notre-Dame à Paris provient de l’église du XIIe siècle bâtie par Étienne de Garlaude, et fut replacé, lors de la construction de cette façade, au commencement du XIIIe siècle.

    On voit dans le baptistère de Saint-Valérien, à Rome, une peinture qui ne paraît pas d’ailleurs antérieure au IXe siècle, et qui représente la Vierge tenant l’enfant Jésus dans son giron ; elle n’est pas couronnée, mais sa tête est couverte d’un voile bleu très-ample, par-dessus une coiffe blanche. L’enfant tient un volumen dans la main gauche, et bénit de la droite, à la manière grecque. (Voyez les Catacombes de Rome, par L. Perret, pl. LXXXIII.)

  2. Il en est beaucoup d’autres exemples en France, soit en statuaire, soit en vitraux, qui datent également du milieu du XIIe siècle.