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les vertus, sont représentés par un fait, non par un personnage ; du moins est-ce le cas le plus habituel. Avant l’école laïque de la fin du XIIe siècle, les vertus comme les vices sont figurés par des faits tirés des Écritures. Dans la représentation des vices, le diable intervient toujours ; c’est lui qui conseille et préside à l’exécution de l’acte mauvais, tandis que l’Esprit du mal n’intervient plus dans la représentation du vice opposé à la vertu, à dater de la fin du XIIe siècle. Ainsi, sur les ébrasements de la porte centrale de Notre-Dame de Paris, sont sculptées dans des médaillons douze Vertus, représentées par douze femmes drapées portant certains attributs ; les Vices, en opposition, sculptés au-dessous de ces médaillons, sont figurés par des scènes. Exemples : La Foi, la première placée à la droite du Christ, porte un écu rempli par une croix. Au-dessous, un homme est agenouillé devant une idole. Le Courage, la première Vertu à la gauche au Christ, est vêtu d’une armure complète : cotte de maille sur sa robe, heaume sur la tête, bouclier sur lequel est un lion rampant à son bras gauche, épée nue dans sa main droite. Au-dessous, la Lâcheté : c’est un homme qui fuit devant un lièvre ; il se retourne effaré et laisse tomber son épée[1].

C’est seulement vers la fin du XIIe siècle, ainsi que nous le disions, qu’apparaissent, sur nos monuments, ces représentations des Vertus, et, parmi ces sculptures, on peut citer comme des plus anciennes celles qui décorent les soubassements de la porte de gauche de la façade de la cathédrale de Sens. Elles montrent la Largesse, et en regard l’Avarice. La Largesse (fig. 1) est une femme drapée, couronnée, assise. De

  1. Voici quelles sont les Vertus représentées sur ces ébrasements, avec les actes vicieux en opposition. — À la droite du Christ : 1o La Foi. Au-dessous, l’adoration d’une idole. — 2o L’Espérance, femme drapée portant un étendard sur son écu. Au-dessous, un homme se transperce avec son épée. — 3o La Charité, tenant une brebis sur son giron (figure mutilée). Au-dessous, l’Avarice, tenant une bourse et enfermant des sacs dans un coffre. — 4o La Justice : une salamandre couvre son écu (symbole du juste éprouvé par l’adversité). Au-dessous, l’Injustice (figure détruite). — 5o La Prudence : son écu porte un serpent enroulé autour d’un bâton. Au-dessous, un homme errant, les vêtements déchirés, tenant une torche de la main droite et de la gauche un cornet : c’est la Folie. — 6o L’Humilité : sur l’écu, un aigle au vol abaissé. Au-dessous, l’Orgueil, représenté par un homme emporté par un cheval fougueux qui le jette à la renverse. À la gauche du Christ : 1o La Force. — 2o La Patience : un bœuf couvre son écu. Au-dessous, la Colère : une femme, les cheveux épars, chasse un religieux avec un bâton. — 3o La Mansuétude : un agneau est sculpté sur son écu. Au-dessous, la Dureté : femme couronnée assise sur un trône, pousse du pied un suppliant agenouillé devant elle. — 4o La Concorde : sa main droite déroule une banderole sur laquelle elle jette les yeux ; sa gauche tient un cartouche sur lequel sont gravés un lis et une branche d’olivier. Au-dessous, deux hommes se battent. — 5o L’Obéissance : un chameau agenouillé se voit sur son écu. Au-dessous, un homme fait un geste de mépris devant un évêque qui l’exhorte. — 6o La Persévérance, une couronne suspendue sur l’écu. Au-dessous, un religieux quitte son monastère. (Voyez la Descript. de Notre-Dame de Paris, par MM. de Guilhermy et Viollet-le-Duc, 1856.)