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[unité]
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a établies, ou plutôt de nous soustraire à ces lois, nous qui en faisons partie. Les découvertes dans les sciences physiques nous montrent chaque jour, avec plus d’évidence, que si l’ordre des choses créées manifeste une variété infinie dans ses expressions, il est soumis à un nombre de lois de plus en plus restreint à mesure que nous pénétrons plus avant dans le mystère du mouvement et de la vie ; et qui sait si la dernière limite de ces découvertes ne sera pas la connaissance d’une loi et d’un atome ! En deux mots, la création, c’est l’unité ; le chaos, c’est l’absence de l’unité.

Sur quoi établirait-on, en architecture, la loi d’unité, si ce n’était sur la structure, c’est-à-dire sur le moyen de bâtir ? Serait-ce sur le goût ? Mais le goût, en architecture, est-il autre chose que l’emploi convenable des moyens ? Serait-ce sur certaines formes adoptées arbitrairement par un peuple, par une secte ? Mais alors, si nous avons à côté de ces formes d’autres formes arbitrairement adoptées par un autre peuple ou une autre secte, nous aurons deux unités. Nous voyons l’architecture des Hellènes parfaitement conforme aux lois de l’unité, parce que cette architecture ne ment jamais à ses moyens de structure ; de même, chez les Romains (quand il s’agit des monuments bâtis suivant le mode romain) ; de même chez les Occidentaux du moyen âge, pendant les XIIe et XIIIe siècles. Cependant ces monuments sont fort dissemblables, et ils sont dissemblables parce qu’ils obéissent à la loi d’unité établie sur la structure. Le mode de structure changeant, la forme diffère nécessairement, mais il n’y a pas une unité grecque, une unité romaine, une unité du moyen âge. Un chêne ne ressemble point à un pied de fougère, ni un cheval à un lapin ; végétaux et animaux obéissent cependant à l’unité organique qui régit tous les individus organisés.

De fait, l’unité ne peut exister dans l’architecture que si les expressions de cet art découlent du principe naturel. L’unité ne peut être une théorie, une formule ; c’est une faculté inhérente à l’ordre universel, et que nous voyons adaptée aussi bien aux mouvements planétaires qu’aux plus infimes cristaux, aux végétaux comme aux animaux. M. Quatremère de Quincy, dans son Dictionnaire d’architecture[1] distingue, dans l’art de l’architecture, « différentes sortes d’unités partielles, d’où résulte l’unité générale d’un édifice ». Cet auteur divise ainsi ce qu’il appelle les unités partielles, sans définir, d’ailleurs, ce que peut être une unité partielle :

« Unité de système et de principe.
Unité de conception et de composition.
Unité de plan.
Unité d’élévation.
Unité de décoration et d’ornement.
Unité de style et de goût. »

  1. Voyez l’article Unité.