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niques. La statuaire perd ainsi de son importance magistrale, elle est soumise à une échelle plus petite. Au parti si large qui consistait à placer un linteau possédant sa sculpture, et au-dessus un grand bas-relief, on substitua une superposition de linteaux (voy. Porte ), plusieurs bandes de bas-reliefs dont les figures sont d’autant plus petites d’échelles que ces linteaux superposés sont plus multipliés. Au XIVe siècle, la sculpture des tympans est de plus en plus absorbée par les formes géométriques de l’architecture. Vers la fin du XVe siècle, les trumeaux se développent en avant des tympans, par des statues et des pinacles qui s’élèvent jusque sous la clef des archivoltes. Le trumeau n’est plus seulement alors un support, mais une sorte de contre-fort, de pilier très-orné qui coupe la porte, son linteau et son tympan en deux parts.

Malgré la rigidité de ses principes, l’architecture du moyen âge (et l’on a occasion de le reconnaître dans le cours de cet ouvrage) évite la monotonie, la banalité, ce qu’on appelle dans le langage des arts, les poncifs. Rarement trouve-t-on, dans les conceptions, même les plus vulgaires, ces chevilles, ces remplissages insignifiants, si fréquents dans les monuments que nous élevons aujourd’hui à grands frais. Le luxe des matériaux, l’exagération de la dépense, ne rachètent pas le défaut d’invention, la pauvreté de l’idée ; nos maîtres des XIIe et XIIIe siècles étaient, semble-t-il, bien pénétrés de cette vérité. Aussi, tout en restant soumis aux principes fondamentaux de leur art, ils savaient en déduire les conséquences les plus variées ; partant, les plus attrayantes, les plus nouvelles aux yeux du vulgaire.

À l’article Porte, nous donnons d’assez nombreux types de tympans, disposés déjà d’une façon assez variée ; mais, ici, force nous est de suivre une méthode, et d’exclure les cas exceptionnels qui, cependant, fournissent des exemples précieux de ce que le véritable génie sait tirer de l’application raisonnée d’un principe vrai. Nous allons procéder, à propos d’un de ces exemples, comme a dû procéder l’architecte du XIIIe siècle, afin de faire saisir la méthode critique de ces maîtres, auxquels on ne saurait refuser, avec le savoir, une modestie que nous n’avons pas le courage de leur reprocher[1].

On sait que pour soulager les linteaux des portes, les architectes terminaient les pieds-droits par des corbeaux qui diminuaient de toute leur saillie la portée de ces linteaux monolithes (voy. fig. 2). Bien que ces linteaux A fussent déchargés par les archivoltes B, cependant ils avaient encore à porter le tympan C ; parfois ils se brisaient sous cette charge, surtout lorsqu’ils ne pouvaient être faits de pierre résistante.

  1. Peu d’architectes du moyen âge en France ont gravé leurs noms sur les monuments qu’ils élevaient, contrairement à l’habitude de leurs confrères italiens. Cette indifférence, ou cet excès de modestie leur a été reproché par un célèbre critique comme un aveu d’infériorité. Cependant il semblerait que c’est l’œuvre qui doit être jugée, et que le nom de son auteur ne fait rien à l’affaire.