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forme d’un trapèze aux tuiles-canal plates, de manière qu’elles pussent se recouvrir sans encoches et par l’introduction du petit côté dans le plus grand. La figure 1 explique ce système de couverture de tuiles que nous trouvons adopté, dès la fin du XIe siècle, dans nos provinces du Languedoc et de la Provence. Relativement à leur longueur, ces sortes de tuiles sont plus larges que ne l’est la tuile romaine, afin de laisser un écartement suffisamment dégagé entre les tuiles de couvre-joints, qui elles-mêmes devaient être assez ouvertes pour couvrir l’intervalle occupé par les rebords de la tuile-canal. Les tuiles-canal étaient primitivement posées à cru sur les chevrons, ainsi que l’indique notre figure, sans endôlement. La difficulté dans ces sortes de couvertures était de combiner les arêtiers. Les tuiles d’arêtiers, qui se posent aisément sur un comble dont les pans sont plans, ne peuvent être fixées sur les rencontres de pans composés de tuiles-canal avec recouvrements. C’est à l’aide du mortier que l’on parvient à retenir tant bien que mal ces tuiles d’arêtiers ; mais il n’est pas besoin de dire que ce moyen est contraire aux conditions d’une bonne structure. Les charpentes qui reçoivent les tuiles sont sujettes à des mouvements produits par les changements de température ; dans ce cas, ces renformis de mortier se brisent, les tuiles d’arêtiers se descellent et sont retournées par le vent. On évitait cet inconvénient, pendant les XIe et XIIe siècles, en posant, lorsque les édifices étaient voûtés, des arêtiers de pierre très-puissants, avec rebords de recouvrement sur les pans des couvertures. On voit encore les restes de l’emploi de ce système dans quelques édifices de la Provence et du Languedoc, notamment dans l’église de sainte Madeleine de Béziers.

La figure 2 explique la disposition de ces arêtiers de pierre[1], terminés à leur extrémité inférieure par un antéfixe A tenant au premier morceau, lui donnant du poids et de l’assiette à l’angle de la corniche. En B est tracé le profil de l’arêtier, et en C son plan, avec la position des tuiles-canal à rebords. Les tuiles biaises étaient moulées exprès pour la place ou simplement coupées. L’espace ab était suffisant pour loger l’épaisseur de la tuile-canal plate et de la tuile couvre-joints. Sur le dos de l’arêtier, une entaille e rejetait l’eau de pluie sur la couverture et empêchait qu’elle ne lavât les joints, simplement garnis de ciment[2]. Si ce système de couverture était entièrement posé sur des charpentes sans voûtes sous-jacentes, il n’était pas possible d’employer les arêtiers de pierre que donne la figure 2 ; ces arêtiers devaient être, comme les tuiles des pans, de terre cuite. Alors, pour les constructions faites avec soin, on fabriquait des tuiles d’arêtiers spéciales, en raison de la pente de la toiture. Ces tuiles d’arêtiers étaient munies d’oreillons qui s’em-

  1. De l’église Sainte-Madeleine de Béziers.
  2. Ce système de couverture a été réemployé d’une manière complète dans la restauration des combles de l’église de Saint-Sernin de Toulouse.