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[triforium]
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la cathédrale de Châlons-sur-Marne. À Notre-Dame d’Amiens, on voit que l’architecte, préoccupé de la diminution perspective de son ordonnance de galerie, en a exagéré les proportions, comme hauteur, par rapport à la largeur. C’est à de telles attentions dans la conception des diverses parties d’un édifice, que l’on reconnaît les maîtres. Ceux-ci, en traçant le géométral, se rendaient évidemment compte des déformations produites par la hauteur, l’éloignement et la place relative ; ils obtenaient l’effet voulu sans être obligés, comme cela se voit souvent aujourd’hui, de tâtonner et de modifier sur place des portions tout entières des édifices, pour n’obtenir, après ces essais dispendieux, que des proportions indécises ou des effets incomplets.

La coupe du triforium de la nef de la cathédrale d’Amiens (fig. 12), faite sur ab, montre l’habileté du constructeur. Dans cette coupe, on voit en A et B les deux arcs concentriques en tiers-point qui forment archivolte de la galerie. En C, est le renfort intérieur au droit des grosses piles, en D un linteau de liaisonnement. L’archivolte B naît sur le chapiteau du petit renfort intérieur de la pilette P du plan, et vient pénétrer les renforts C. En E, est le plafond du triforium faisant chemin de ronde au-dessus du comble F des collatéraux. En G, la colonne isolée qui reçoit la tête des arcs-boutants[1] et qui porte sur le contre-fort H. En K, est l’arc de décharge marqué G sur le tracé (fig. 11) ; en I, la cloison fermant le comble, et en L un arc de décharge portant cette cloison et laissant sous son intrados passer la voûte du bas côté ; Les grandes fenêtres supérieures s’ouvrent en M immédiatement au-dessus de la galerie[2]. Cependant les murs d’adossement du comble des bas côtés, vus derrière la claire-voie du triforium, paraissaient nus ; on décida bientôt qu’ils devaient être ajourés, et, dans la même église (Notre-Dame d’Amiens), l’architecte qui éleva l’œuvre haute du chœur établit sur le collatéral des combles en pavillon, afin de pouvoir ouvrir des jours dans les murs de clôture du triforium. Ces galeries participèrent ainsi bientôt des fenêtres supérieures[3]. C’est vers le milieu du XIIIe siècle que ce parti fut adopté dans un grand nombre d’églises du domaine royal, notamment à la cathédrale de Troyes et à l’abbaye de Saint-Denis, en grande partie reconstruite sous le règne de Louis IX. Le triforium de la nef et du chœur de cette dernière église est très-remarquable comme composition. Nous donnons (fig. 13) le plan A et l’élévation B d’une demi-travée de ce triforium. En C, est tracée la claire-voie postérieure C′ du plan, laquelle reçoit le vitrage ; de sorte que l’on aperçoit les vitraux de cette claire-voie C à travers l’arcature antérieure. Ici le triforium se relie plus intimement avec les grandes fenêtres supérieures qu’à Amiens, au moyen des colonnettes de meneaux D. Mais les tympans T des deux

  1. Voyez la coupe de la nef, Cathédrale, fig. 20.
  2. Voyez Travée, fig. 10, et Fenêtre, fig. 20.
  3. Voyez Travée, fig. 11 ; Architecture Religieuse, fig. 36, et Fenêtre, fig. 24.