Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 9.djvu/293

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[triforium]
— 290 —

ture ; car ces arcs, entrecroisés, constituent une assez médiocre décharge, et ces tympans-linteaux peuvent être brisés facilement, ou briser les portées des chapiteaux au moindre mouvement de la construction. Cependant cet exemple fait ressortir encore une fois les ressources variées dont ces architectes du XIIe siècle savaient profiter. C’est là une disposition toute normande, et que l’on retrouve en Angleterre, dans les monuments de cette époque.

Le triforium, s’ouvrant directement sous le comble du collatéral, présentait des inconvénients qu’il est facile d’apprécier. Il donnait du froid et de l’humidité dans l’église, car les couvertures de tuiles ou d’ardoises, si bien faites qu’elles soient, laissent toujours passer l’air extérieur. La vue des charpentes à travers ces claires-voies n’était pas agréable. Il était difficile d’entretenir la propreté sous ces combles, et, dans les grands vents, la poussière se répandait dans l’église. Aussi on ne tarda guère à isoler le triforium du comble, c’est-à-dire à élever entre celui-ci et la claire-voie une cloison de pierre qui formait ainsi mur d’adossement. On l’avait bien tenté à Saint-Leu d’Esserent, ainsi que nous l’avons vu, mais là c’est un moyen terme entre ce dernier parti et celui du triforium voûté.

La nef de la cathédrale d’Amiens paraît être une des premières constructions religieuses dans lesquelles l’architecte ait cherché à séparer franchement la galerie du triforium du comble en appentis, au moyen d’une cloison fixe. Voici (fig. 11), en A, le plan d’une demi-travée de ce triforium[1]. En B, est le tracé de la pile au niveau de la galerie et au niveau du rez-de-chaussée ; en C, le contre-fort qui porte la colonne recevant la tête de l’arc-boutant[2], et en D la cloison de maçonnerie avec arc de décharge. En E est donnée l’élévation de ce triforium sur la nef. On aperçoit en G l’arc de décharge de la cloison. Comme à Sens, la claire-voie est divisée en deux travées, la pilette P portant le meneau central de la fenêtre et reposant sur la clef de l’archivolte du collatérals[3]. En H, est tracée, a une plus grande échelle, la projection horizontale de la pilette P, avec les tailloirs des chapiteaux, celle d’une des colonnettes ; et en I, la section du profil de l’arc I′. On remarquera que cette galerie étant placée à une grande hauteur, et la largeur de la nef ne pouvant donner beaucoup de reculée, les profils horizontaux, tels que bases et tailloirs, sont très-développés en hauteur et peu saillants, afin de ne pas être masqués par les projections perspectives[4]. Souvent les chapiteaux des colonnettes de ces triforiums du milieu du XIIIe siècle sont très-bas d’assises et très-évasés, afin de développer leur corbeille aux yeux des personnes placées sur le sol. On trouve un très-remar-

  1. Voyez Travée, fig. 10.
  2. Voyez la coupe, Cathédrale, fig. 20.
  3. Voyez Travée, fig. 10.
  4. Voyez Profil, fig. 26.