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[triforium]
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pour y placer des choristes et des acteurs qui récitaient des mystères devant la foule. Pendant les tournois, des tribunes de charpente recouvertes d’étoffes et d’écus armoyés étaient construites sur l’un des côtés de la lice et servaient d’abri aux seigneurs et aux dames. Mais ces ouvrages provisoires sortent du domaine de l’architecture.

TRIFORIUM, s. m. Mot en usage dans la basse latinité (formé du grec), introduit dans le vocabulaire de l’architecture par les archéologues anglais, et qui s’applique aux galeries pourtournant intérieurement les églises, au-dessus des archivoltes des collatéraux[1]. Le triforium occupe toute la largeur du collatéral, ou n’est qu’une étroite galerie de service adossée aux combles des bas côtés. La plupart de nos grandes églises du Nord possèdent un triforium, qui n’est qu’une tradition de la galerie (ambulatoire) de premier étage de la basilique romaine. Quand le triforium prend toute la largeur du collatéral, il est voûté à dater du commencement du XIIe siècle, et, dès l’origine, sa fonction est déterminée plus encore par une nécessité de stabilité que par les besoins du service de l’église. Tant que les nefs des églises étaient couvertes par des charpentes apparentes, à l’instar de la basilique romaine, si l’architecte élevait une galerie de premier étage, comme à Saint-Remi de Reims, par exemple[2], il ne pouvait guère songer à la voûter ; il se contentait de bander un arc-doubleau au droit de chaque pile, arc-doubleau qui recevait le solivage incliné portant la couverture en appentis, qui étayait les grands murs de la nef, mais qui ne pouvait exercer sur ces murs une poussée que la charge des parties supérieures ne pût neutraliser. Ce fut tout autre chose quand on prétendit remplacer les charpentes apparentes par des voûtes, et par des voûtes en berceau. Ces voûtes s’affaissèrent bientôt entre les murs déversés sous l’action de leur pression oblique ; il fallut penser à maintenir ces murs dans leur plan vertical. C’est alors qu’on eut l’idée de jeter longitudinalement sur les galeries de premier étage un demi-berceau ou arc-boutant continu, pour contre-buter la poussée du berceau central. Dès la fin du XIe siècle, l’école auvergnate arrivait à ce résultat, dont on peut encore constater l’efficacité, si l’on visite les églises d’Issoire, de Saint-Nectaire, de Notre-Dame du Port à Clermont, de Saint-Étienne de Nevers, et même de Saint-Sernin de Toulouse. Les arcs-doubleaux des galeries primitives (voyez la figure 1 de l’article Travée) étaient conservés, et le solivage de bois incliné était remplacé par ce demi-berceau sur lequel on posait à cru la couverture de tuiles ou de dalles.

La figure 1 explique cette modification dans les procédés primitifs. En A, on voit encore la travée de la galerie avec ses arcs-doubleaux au droit des piles, et son solivage portant la couverture ; en B, le solivage

  1. Voyez du Cange, Glossaire.
  2. Voyez Travée, fig. 1.