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en souvenir de la place qu’occupait, dans la basilique romaine antique, le préteur. Des pères de l’Église donnent parfois le nom de tribunal à l’un des ambons placés des deux côtés du chœur, notamment à celui du haut duquel on lisait l’Évangile aux fidèles assemblés dans les nefs[1].

Le dessus des jubés, d’où on lisait également l’Évangile et d’où l’on instruisait les fidèles, prit dès lors le nom de tribune. Par extension ; on donna le nom de tribune, dans l’église, à toute partie élevée au-dessus du sol, soit sur des colonnes et des arcs, soit sur des encorbellements[2]. C’est ainsi que ces édifices religieux eurent leurs tribunes du jubé, des orgues, de l’horloge, du trésor ; parfois aussi des tribunes particulières réservées à quelques fidèles privilégiés, à de grands personnages, aux familles des fondateurs, etc. On monte à ces loges, relevées au-dessus du pavé, par des escaliers donnant, soit dans l’église, soit dans des bâtiments voisins, quand elles sont privées, c’est-à-dire réservées à certains personnages. Les tribunes étaient encore un moyen d’augmenter les surfaces données aux fidèles dans de petites églises. Nous n’avons à nous occuper ici que des tribunes comprises comme annexes intérieures et élevées des églises, non comme sanctuaires, ambons ou jubés (voy. Jubé, Chœur). Or, l’usage des tribunes remonte assez loin. Galbert raconte comment, en 1127, Charles le Bon fut assassiné dans la tribune où il était monté pour prier avec Thancmar, châtelain de Bourbourg ; tribune pratiquée dans l’église de Saint-Donatien, à Bruges. Les corps de ces deux personnages ayant été transportés dans le chœur par les religieux pour être inhumés, le parti qui avait fait consommer le meurtre résolut de les enlever : « La nuit suivante, le prévôt ordonna de munir d’armes l’église et de garnir de sentinelles la tribune (solarium) et la tour, afin qu’il pût s’y retirer avec les siens en cas d’attaque de la part des citoyens. D’après l’ordre du prévôt, des chevaliers entrèrent armés cette nuit dans la tribune de l’église[3]… Ces misérables (les partisans) ne pouvant s’emparer des lieux inférieurs de l’église, avaient encombré de bois et de pierres l’escalier qui menait à la tribune, en sorte que personne ne pouvait y monter et qu’eux-mêmes ne pouvaient descendre, et ils cherchèrent seulement à se défendre du haut de la tribune et de la tour. Ils avaient établi leurs repaires et leur demeure entre les colonnes de la tribune, avec des tas de coffres et de bancs, d’où ils jetaient des pierres, du plomb, et toutes sortes de choses pesantes sur ceux qui attaquaient… Enfin, les chanoines de l’église, montant du chœur dans la tribune, par des échelles[4]… » Ces

  1. Encore en 1527, au concile de Lyon : « Evangelium alta voce in tribuna et capella crucis more solito… dixit et evangelizavit. »
  2. En latin solarium.
  3. Galbert, Vie de Charles le Bon, chap. iii, trad. de M. Guizot.
  4. Id., ibid chap. xiv.