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[transsept]
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Il fallait lutter contre la vogue qui entraînait les populations vers ces moines prêcheurs dont les églises n’étaient que de larges salles de conférences, et ce n’était pas certes en maintenant ces obstacles nombreux, qui, dans les églises clunisiennes mêmes, gênaient la vue et la circulation, que l’on pouvait espérer ramener la foule vers les reliques dont le prestige se perdait tous les jours. Aussi n’est-ce plus dans le fond des cryptes que les châsses sont conservées ; elles sont placées dans les sanctuaires, entourées d’objets précieux. On les exhibe d’autant plus, que le peuple perd peu à peu la vénération qu’il leur portait. La pompe des cérémonies, les facilités données aux fidèles d’y assister, remplacent chez les bénédictins la discipline sévère maintenue jadis dans leurs églises ; à défaut de la foi qui s’endort ou vacille, on excite du moins la curiosité.

Or, les plans successifs de l’église de Saint-Denis nous font, pour ainsi dire, toucher du doigt cette modification dans les habitudes religieuses des grandes abbayes. Ils méritent donc une étude attentive. Voici (fig. 9) ces plans présentés les uns sur les autres et tels que les fouilles et les traces de constructions encore existantes ont pu les faire reconnaître. On voit en a les restes des soubassements de l’abside et du transsept de l’église de Dagobert, bâtie avec des débris de monuments gallo-romains[1]. Pendant la période carlovingienne, l’église fut très-allongée en b au delà de l’abside de Dagobert[2] ; puis viennent s’implanter les constructions de Suger[3], encore visibles au-dessus du sol en c. Alors les deux descentes aux cryptes plus anciennes furent ménagées en e[4] ; le sanctuaire se développa largement au-dessus des caveaux de l’église carlovingienne, et l’on dut y monter par des degrés établis en g, des deux côtés de l’autel, et en h.

Un caveau voûté qui existe encore entier en f montre clairement que le mur i donnait sur le dehors, puisqu’il possède une fenêtre relevée ; les murs j du fond du collatéral du transsept existent encore, et l’on retrouve en K les fondations qui indiquent que les constructions de Suger ne s’étendaient pas au delà des pignons actuels.

La nef de l’église de Suger était plus étroite que celle de l’église actuelle, ainsi qu’il est aisé de le reconnaître à l’entrée occidentale et par des fouilles pratiquées en l. Donc le transsept de l’église abbatiale du XIIe siècle, muni d’un bas côté vers le sanctuaire, comprenait l’espace mnop. Ce bas côté AA était d’ailleurs nécessaire pour recevoir les emmarchements qui montaient au sanctuaire et ceux qui descendaient aux cryptes.

  1. Les hachures de gauche à droite indiquent ces restes.
  2. Les hachures larges, de droite à gauche, indiquent ces constructions encore visibles dans les cryptes.
  3. Les hachures serrées, de droite à gauche, indiquent ces ouvrages.
  4. Ces descentes existent encore.