Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 9.djvu/225

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[transsept]
— 222 —

tivement aux religieux, aux clercs, il est livré aux fidèles dès le XIIe siècle ; à ce moment, il occupe même une surface plus étendue, afin de permettre aux pèlerins qui se rendaient dans ces églises abbatiales d’assister en grand nombre aux cérémonies du culte et de voir facilement les corps-saints sortis des cryptes à certaines époques de l’année et exposés au milieu de l’église[1]. Ce programme tracé pour la construction des églises bénédictines et cisterciennes, vers le commencement du XIIe siècle, fut rigoureusement suivi pendant les siècles suivants. Au contraire, nous voyons les plans des cathédrales s’élever en France, suivant les provinces, sur des plans variés, et, dans ces édifices, le transsept, si franchement et universellement adopté pour les églises bénédictines et cisterciennes, ne se montre que çà et là ou à une époque relativement récente. Certaines églises méridionales et du centre, comme la cathédrale d’Angoulême, comme celles d’Angers, du Mans (ancienne), de Langres d’Autun, ont seules le privilège de posséder des transsepts accusés[2] ; mais ces monuments sont antérieurs au mouvement qui, dans le Nord, fit reconstruire toutes les églises épiscopales. Nous avons suffisamment expliqué ailleurs la nature et l’importance de ce mouvement politique pour qu’il ne soit pas nécessaire de revenir ici sur ce sujet. Il nous suffira de constater ce fait : que la majeure partie de ces cathédrales commencées pendant la seconde moitié du XIIe siècle, dans le domaine royal, ont été primitivement élevées sans transsept. Les cathédrales de Senlis, de Meaux, n’avaient point de transsepts ; celle de Paris fut certainement projetée sans cet appendices[3] ; celle de Bourges n’en a point, et à Sens il est facile de reconnaître comment il fut établi longtemps après la construction de l’église cathédrale.

Des fouilles récemment faites dans cet édifice, sur notre demande, par M. Lance, architecte diocésain, et relevées avec le plus grand soin par M. Lefort, inspecteur des travaux, ont mis à découvert non-seulement les fondations, mais les assises basses des piles anciennes dans l’axe du transsept actuel. La figure 6 donne le plan de la partie postérieure de la cathédrale de Sens. Ce plan, restitué d’après les fouilles, ne laisse voir qu’un embryon de transsept indiqué par les deux chapelles, C, C[4]. La nef et les collatéraux sont divisés par travées égales sans interruption, les espacements entre les piles sont même d’une régularité parfaite. Alors (à la fin du XIIe siècle) la cathédrale de Sens se rattachait donc au plan qui semblait adopté pour les églises épiscopales

  1. Voyez à ce sujet l’article Architecture Monastique.
  2. Voyez Cathédrale, fig, 41 et 43, 27, 28 et 34.
  3. Nous en avons acquis la preuve dans les fondations et au-dessus des voûtes de la croisée. Très-probablement on ne se décida, à Paris, à donner un transsept à la cathédrale qu’après l’achèvement du chœur, c’est-à-dire après la mort de Maurice de Sully.
  4. Les parties du plan qui ont été modifiées pendant les XIIIe, XIVe et XVIe siècles sont huchées.