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point le système de structure en plates-bandes, il l’est beaucoup moins d’appliquer ces lois imposées par un besoin de l’œil, à des édifices voûtés. Il fallait que le système de voûtes adopté se prêtât à ces libertés ; c’est aussi ce qui arriva lorsque l’on abandonna la voûte romaine et la voûte romane pour inaugurer la nouvelle structure. Aussi les maîtres du XIIe siècle, si délicats dans leurs conceptions, profitèrent largement des facilités données par le nouveau système des voûtes françaises pour obtenir de grands effets, à l’aide de moyens simples et pratiques. Une fois le tracé général obtenu, il n’y avait aucun embarras à bander un arc suivant un angle plus ou moins ouvert. Il suffisait de tracer sur l’aire la direction de cet arc et d’en faire le rabattement. Le patron du claveau, posé perpendiculairement à cette direction, donnait la naissance de l’arc. En réunissant tous ces patrons sur un point, on composait le sommier ; le sommier composé, en raison de la forme des claveaux et de la direction des arcs, on traçait le chapiteau qui devait porter le sommier. Le chapiteau tracé, on avait la colonne ou la pile. Donc c’était par le tracé général des voûtes que le maître commençait l’opération graphique du plan. Une méthode pareille exigeait, il est vrai, une pratique très-complète de la géométrie, non-seulement de la part, du maître, mais aussi chez les metteurs en œuvre, car il fallait à chaque sommier se rendre compte de la pénétration des surfaces qui venaient se grouper en faisceaux ; mais on ne prétendra pas, probablement, que ces connaissances poussées très-loin chez le maître et facilement comprises par les aides, aient jamais été une marque d’ignorance, et de barbarie. Ayant mis sous les yeux de nos lecteurs un de ces tracés généraux, il est nécessaire de pénétrer plus avant dans les méthodes de détail. Prenons d’abord un des exemples les plus simples. Soit (fig. 2) un pied-droit de porte avec ébrasement extérieur. Cet ébrasement devra être nécessairement couvert par des arcs. Nous prendrons, pour faire ces arcs, des pierres d’une dimension proportionnée à leur portée. Soit en A une échelle d’une toise. La dimension d’un pied sera donnée aux claveaux ; l’ébrasement ayant quatre pieds de profondeur, quatre rangs de claveaux superposés le fermeront. Sur le tympan T, servant de cintre, nous tracerons donc le premier rang B de claveaux ; sur ce premier rang le deuxième C, et ainsi pour les deux autres D, E. Un bandeau F d’archivolte sertira les quatre rangs. La projection horizontale BCDE des naissances de ces claveaux donnera la dimension des chapiteaux dont les carrés supérieurs G auront ainsi un pied sur chacune des deux faces vues. Suivant la saillie que nous voudrons donner à ces chapiteaux sur le fût des colonnes, nous tracerons celles-ci. S’ils doivent être engagés, ces fûts seront tracés tangents aux côtés a, b (voyez le détail H) ; alors les chapiteaux seront eux-mêmes engagés et leurs milieux seront en d. Si nous préférons que ces chapiteaux soient entiers, nous tracerons le fût de la colonne, le centre au milieu i du carré. Les deux partis ont été adoptés au XIIe siècle, le second plus rarement dans les provinces