Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 9.djvu/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[trait]
— 197 —

cuivre ou d’argent[1], surmontées d’arcatures entre lesquelles brûlaient des lampes. Quelquefois des figures les décoraient[2]. Il n’existe plus aucune de ces trabes dans nos anciennes églises françaises, mais on en voit encore quelques-unes dans les églises d’Italie. La petite église conventuelle de Saint-Jean au Bois, dans la forêt de Compiègne (Oise), laisse encore voir les deux extrémités sciées d’une trabes du XIIIe siècles couvertes de jolies peintures. Ces extrémités reposent sur deux chapiteaux ménagés au droit des piliers de l’entrée du chœur (fig. 1). C’était à la trabes que, pendant la semaine sainte, on suspendait le voile funèbre qui cachait l’autel et le sanctuaire. L’usage des trabes est antérieur à celui des jubés et date des premiers temps du christianisme. Il a été conservé, comme beaucoup d’autres coutumes primitives, dans l’Église grecque, et nous ne saurions dire pourquoi ces poutres porte-lumières ont été supprimées en France. Les églises abbatiales de Saint-Denis, de Cluny, possédaient des trabes magnifiquement ornées d’orfèvreries et de chandeliers de vermeil, qui étaient posées entre les stalles et le sanctuaire.

TRAIT (Art du). C’est ainsi que l’on désigne l’opération qui consiste à dessiner, grandeur d’exécution, sur une aire, les projections horizontales et verticales, les sections et rabattements des diverses parties d’une construction, de telle sorte que l’appareilleur puisse découper les panneaux d’appareil, le gâcheur faire tailler les pièces de bois qui constituent une œuvre de charpenterie ; le menuisier, les membrures et assemblages des lambris, portes, croisées, etc.

Le trait est une opération de géométrie descriptive, une décomposition des plans multiples qui composent les solides à mettre en œuvre dans la construction.

L’art du trait, développé pendant l’antiquité grecque, était à peu près ignoré par les constructeurs de la première période du moyen âge, et il ne semble pas, à voir les monuments carlovingiens, que les efforts tentés par Charlemagne pour faire enseigner la géométrie aux architectes occidentaux aient produit des résultats sensibles. Ce n’est qu’après les premières croisades que l’on s’aperçoit d’un développement notable de ces connaissances en France. À la fin du XIIe siècle, les maîtres des œuvres avaient repris possession de la géométrie, et, depuis cette époque, leur habileté en cette science s’accrut d’année en année, jusqu’à la fin du XVe siècle.

La pratique de la géométrie descriptive était fort avancée chez les peuples orientaux et chez les Égyptiens dès une époque très-reculée. Après la translation de l’empire romain à Byzance, les sciences mathé-

  1. Voyez du Cange, Gloss.
  2. « Transpositam veterem trabem, quæ supra majus altare ponebatur,… in qua etiam trabe series 12. Patriarcharum et 12. Apostolorum, et in medio Majestas cum Ecclesia et Synagoga figuratur. » (Vitæ abbatum S. Albani.)