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XIVe siècles. Considérant donc les châteaux à ce point de vue, on comprend l’importance des tours dont nous nous occupons ; elles constituaient une défense sérieuse par elles-mêmes, et assuraient d’autant mieux ainsi la communication entre les garnisons féodales, leur action commune. Il importait surtout, si l’un de ces châteaux était pris par trahison ou par un coup de main, que des hommes dévoués pussent tenir encore quelques jours ou seulement quelques heures dans ces réduits, du haut desquels il était facile de communiquer, par signaux, avec les forteresses les plus rapprochées ; car, alors, les garnisons voisines pouvaient, à leur tour, envahir la place tombée et mettre l’agresseur dans la plus fâcheuse position. C’est ce qui arrivait fréquemment. En France, les cours d’eau ont un développement considérable, les bassins sont parfaitement définis ; il s’établissait ainsi forcément, par la configuration même du terrain, de longues lignes de forteresses solidaires qui préparaient merveilleusement l’unité d’action en un moment donné. Ce sont là des vues qui nous semblent n’avoir pas été suffisamment appréciées dans l’histoire de notre pays, et qui expliqueraient en partie certains phénomènes politiques que l’on énonce trop souvent sans en rechercher les causes diverses. Mais toute notre histoire féodale est à faire, et, pour l’écrire, il serait bon, une fois pour toutes, de laisser de côté ces lieux communs sur les abus du régime féodal. Il est bien certain que nous ne pourrons posséder une histoire de notre pays que du jour où nous cesserons d’apprécier notre passé avec les partis pris qui nous troublent l’entendement, du jour où nous saurons appliquer à cette étude l’esprit d’analyse et de méthode que notre temps apporte dans l’observation des phénomènes naturels, du jour, enfin, où nous comprendrons que l’histoire n’est pas un réquisitoire ou un plaidoyer, mais un procès-verbal fidèle et impartial dressé pour éclairer des juges, non pour faire incliner leur opinion vers tel ou tel système.

Mais laissons là ces considérations un peu trop générales relativement à l’objet qui nous occupe, et revenons à nos tours.

Parmi ces tours de la Bourgogne dont la destination est bien marquée, c’est-à-dire qui servaient à la fois de réduits au besoin et de postes d’observation, il faut citer la tour de Montbard, du sommet de laquelle on aperçoit la tour du petit château qui domine le village de Rougemont, sur la Brenne, et le château de Montfort, qui, par une suite de postes, mettait Montbard en communication avec le château de Semur en Auxois, sur l’Armançon.

Montbard était un point très-fort ; le château occupait un large mamelon escarpé, de roches jurassiques, à la jonction de trois vallées. De ce château il ne reste que l’enceinte, et la grosse tour à six pans, qui occupe un angle de cette enceinte au point culminant, de telle sorte qu’elle donne directement sur les dehors, au-dessus de roches abruptes. La figure 46 donne les plans de cette tour, qui date de la fin du XIIIe siècle. Le rez-de-chaussée A se compose d’une salle dans laquelle on n’entre