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d’appareil, cette maçonnerie est composée d’un blocage bien lité de gros moellons de caillasse d’une extrême dureté[1]. Il n’était donc pas aisé de saper un ouvrage ainsi construit, défendu par la ceinture des mâchicoulis du chemin de ronde G. Cet ouvrage date de 1400. Nulle trace de plates-formes supérieures pour mettre de la grosse artillerie en batterie. Les bombardes, les passe-volants, veuglaires, basilics, coulevrines, étaient placés sur les ouvrages extérieurs, c’est-à-dire sur la crête du plateau qui sert d’assiette au château, de manière à battre les vallons environnants. Les chemins de ronde supérieurs n’étaient occupés, au moment de la construction du château de Pierrefonds, que par des arbalétriers ou des archers contre l’attaque rapprochée.

Cependant, du jour que les assiégeants possédaient des pièces d’artillerie d’un assez gros calibre pour pouvoir battre les ouvrages extérieurs et éteindre leur feu, il fallait que la défense dernière, le château, pût opposer du canon aux assaillants. Les architectes s’ingénièrent donc, dès l’époque de la guerre contre les Anglais, à trouver le moyen de placer des bouches à feu sur les tours[2]. Pour obtenir ce résultat, on donna à celles-ci moins de relief, on augmenta l’épaisseur de leurs parois cylindriques, on les voûta pour porter une plate-forme ; ou bien, conservant l’ancien système de la défense supérieure du XIVe siècle, destinée aux arbalétriers, on perça des embrasures pour du canon à la base de ces tours, si elles étaient bâties sur un lieu escarpé, afin de battre les approches[3].

Il faut dire qu’alors les bouches à feu, qui envoyaient des projectiles de plein fouet, n’avaient qu’un faible calibre ; ces engins projetaient des balles de plomb, mais plus souvent des pyrites de fer ou de petites sphères de grès dur. Ces derniers projectiles ne pouvaient avoir une longue portée. Quant aux grosses bouches à feu réservées pour les dehors ou les plates-formes des tours, elles n’envoyaient guère, pendant le cours du XVe siècle, que des boulets de pierre à la volée, c’est-à-dire suivant une parabole. Les artilleurs d’Orléans, au moment du siège, en 1428, possédaient cependant des canons envoyant des balles de plein fouet à 600 mètres[4] ; ces canons furent tous placés sur les anciennes tours ou sur des boulevards[5] ; quant aux courtines, elles étaient garnies de mâchicoulis et de hourdis de maçonnerie ou de bois. Pendant long temps, en effet, l’artillerie à feu est mise en batterie sur les tours pour

  1. Il a fallu vingt-sept jours à un ouvrier habile pour pratiquer un trou d’un mètre carré environ dans l’un de ces murs, au-dessus du talus, c’est-à-dire au point où la maçonnerie n’a que 4 mètres d’épaisseur.
  2. Au siège d’Orléans, plusieurs des anciennes tours de l’enceinte furent terrassées pour recevoir des pièces d’artillerie.
  3. Voyez à l’article Château, la description des défenses du château de Bonaguil (fig. 28 et 29).
  4. Voyez Siége, page 426.
  5. Voyez Boulevard.