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[symétrie]
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signifiant beau rhythme, rhythme convenable ; symétrie, rapports de mesure, et l’eurhythmieétant partie essentielle de la symétrie, il s’ensuivait que la symétrie, pour les Grecs, était une relation de mesures établies d’après un rhythme adopté. De même, en poésie et en musique, y a-t-il le rhythme et la mesure. La prose peut être rhythmée sans être métrique ; des vers peuvent être métriques sans être rhythmés ; mais la poésie comme la musique possèdent à la fois le rhythme et la mesure. Les Grecs, qui avaient fait une si complète étude de l’apparence du corps humain, le considéraient comme possédant par excellence ces deux qualités qui se fondent dans l’unité harmonique, l’eurhythmie et la symétrie. C’est pourquoi Vitruve donne comme type du système symétrique le corps humain ; dont toutes les parties sont dans un rapport harmonique parfait, pour nous humains, et constituent un tout auquel on ne saurait rien changer.

Les Grecs accordaient la qualité de symétrie par excellence au corps de l’homme, non parce que ses deux moitiés longitudinales sont semblables, mais parce que les diverses parties qui le constituent sont dans des rapports de dimensions excellents, en raison de leurs fonctions et de leur position. D’ailleurs, n’est-il pas évident que cette similitude des deux moitiés longitudinales du corps humain n’est jamais une apparence, et ne peut constituer la qualité symétrique pour le Grec, puisque le moindre mouvement détruit cette similitude et qu’elle n’existe point de profil. C’est l’eurhythmie, c’est-à-dire une heureuse combinaison de temps différents, et un rapport judicieux de dimensions qui constituent sa symétrie, et non le parallélisme de ses deux moitiés, parallélisme qui ne se produit jamais aux yeux, et qui, par conséquent, ne serait qu’une qualité de constitution qui ne peut toucher l’artiste.

Il est donc certain que les Grecs n’ont point considéré ce qu’aujourd’hui nous entendons par symétrie comme un élément essentiel de l’art en architecture, et que s’ils ont admis la similitude des parties ou le pendant, pour nous servir d’une expression vulgaire, ils n’ont pas élevé cette condition à la hauteur d’une loi fondamentale. La constitution même de l’homme le porte, par instinct, à doubler les conceptions, à chercher la pondération à l’aide du parallélisme, mais cette opération mécanique, où l’intelligence n’entre pour rien, n’a aucun rapport avec l’art.

Rhythmer un édifice, pour le Grec, c’était trouver une alternance de vides et de pleins qui fussent pour l’œil ce qu’est pour l’oreille, par exemple, une alternance de deux brèves et une longue ; le soumettre à une loi symétrique, c’était faire qu’il y eût entre le diamètre d’une colonne, sa hauteur et l’entre-colonnement, les chapiteaux et les autres membres, des rapports de nombres qui fussent satisfaisants pour l’œil, non pas au moyen d’un tâtonnement, mais à l’aide d’une formule[1].

    pectus. Hoc efficitur cum membra operis convenientia sunt, altitudinis id latitudinem ; latitudinis ad longitudinem et ad summam omnia respondeant suæ symetriæ. » (Lib. I)

  1. À ce sujet, nous croyons devoir citer ici une note, en partie inédite, de M. Aurès, et que nous devons à son extrême obligeance… « Il me paraît incontestable que les